03/01/2023
Ma punition, c'était cette case si fade et si datée dans la nouvelle terminologie de nos espèces : Assignée femme.
Une femme parle et un homme se tait.
L'Art Poetic' est un recueil de poèmes 'en série qualifiée', sorte de mise en vers de la grammaire du 'bon usage'. Olivier Cadiot s'appuie sur un système de répétition détournée du mot qui prend tour à tour toutes les formes que la syntaxe et le sens veulent bien lui donner. Et des détours par la langue latine, l'Angleterre, la musique.
Une extraordinaire aventure
Le Passaic, et les Chutes
(n - 1)
Bla-bla-bla
Invented Lives
Delenda est Carthago
Voyages anciens
La Dame du Lac
Futur, ancien, fugitif
The West of England
L'Anacoluthe
Corriere della sera
The Tempest
Pai-i-sa-ge
Davy Crockett ou Billy the Kid auront toujours du courage.
C'est le nom d'un bout de l'autoroute qui relie Paris à Saint-Pair-sur-Mer, dans la Manche, et tous mes souvenirs.
Je l'ai enfin suivie plus loin, jusqu'en Bretagne, pour y retrouver un témoin de la mort accidentelle de mon petit frère, à l'âge de deux mois : une Bretonne qui avait vingt ans lorsqu'elle a découvert Paris en 1968, s'y est fabriqué des souvenirs et cherche encore, elle aussi, la vérité sur cette mort.
Je sentais que j'avais fait quelque chose qui ne serait plus jamais à faire, quelque chose d'unique et d'interdit. Aujourd'hui, même si ce n'est pas agréable, je vais raconter cette histoire jusqu'au bout.
' Suivez cette voiture. ' Des générations de détectives ont donné cet ordre à des chauffeurs de taxi ou l'ont entendu de leurs commanditaires. Pour des sex detectives, l'exhortation serait plutôt : ' Suivez ce fantasme ', qu'on pourrait traduire aussi par ' Suivez ce fantôme ', tâche encore plus complexe.
« Rien n'est plus au secret de la matière, rien n'est plus proche de la vie profonde de la nature, rien n'est plus au coeur de la physique - que le mystère verbal. C'est dans les mots réversibles que notre langue - comme toutes les langues - en sait le plus. Passage, renouveau, mutation, retour, renaissance, métamorphose, naissent d'un faux pas, d'une chute, d'une inversion, passent par la perte de l'équilibre. C'est traversée par le déséquilibre - et comme passant par un pont vide - comme prise en faute, touchant sa limite - que la pensée reprend son élan, dans les rosaces, les rondes et les litanies du drame de la vie. Livre d'un terrassier. De la difficulté d'en sortir indemne, sauf à partir soudain à la recherche du roman perdu. » (V. N.)
Valère Novarina a conçu ce qu'il appelle un « roman nominaire ». Un grand texte d'appel, de convocation, dans lequel les noms se succèdent, s'interpellent, s'interrogent, se déclinent, s'inventent et se racontent. Noms humains ou déshumains, différentes nominations de Dieu, des espèces, du vivant. Véritable tour de force poétique, la seule litanie des noms crée un univers romanesque et théâtralisé. Où « L'Infini Romancier » concurrence « Le Coureur de Hop », et converse avec « La Femme Octocéphale ». Le texte révèle l'obsession au coeur de cette machine dramatique : « examiner toutes les langues de près, sans en croire un seul mot, regarder chaque passage, les interroger comme des tables de multiplication venues mettre au jour la lettre de trop embusquée dans l'alphabet de je suis. »
Le texte est accompagné d'une série de 635 dessins de Valère Novarina.
Ce sont des écrivains, des peintres, des sculpteurs. Aventuriers de l'impossible. Ce sont des bribes de leurs vies. Tous des chercheurs davantage que des trouveurs. J'ai eu le privilège de les côtoyer. Ce qu'ils poursuivent est ce qui toujours se dérobe. La grâce est une fieffée baleine blanche.
Alors, dès cet instant, l'adolescente entre dans la photographie comme la foudre, et ce qui suit s'appelle une légende. Comme si on avait tendu un violon à un novice et qu'une sonate était sortie d'un coup.
Se donner des ordres à soi-même, comme Léonard de Vinci. Désobéir aux ordres que l'on se donne à soi-même, contrairement à Léonard de Vinci. Être exemplaire. Être ordinaire. Ne plus être soi-même, devenir ce que l'on rêve d'être. Abandonner toutes ses manies. Finir sa vie dans le jardin anglais de Münich à regarder les jeunes gens surfer sur une seule vague. Ne plus fumer, ne plus boire d'alcool, ne plus manger que des pommes et du riz.
Si la seule idée d'un Dieu ne me faisait pas rire, je rendrais bien ici quelques oracles, quelque parole inspirée, quelque évangile enluminé qui réconcilierait les autruches effarées, les sauterelles rongeuses, les guitaristes mystiques, les filles à la blondeur boréale, les mères oublieuses de leur première portée, les pères devenus prédicateurs de salon, tous les ergs et les regs du N'mab, et même le souvenir, toujours fou en moi, toujours miraculeux, du garçon qui a trahi son ami pour les lumières de la ville.
Au royaume du hasard
je suis le maître du temps
transporte des milliers de coeurs
des millions de battements
Il me suffit de cravater quelques commutateurs
et j'avancerai l'heure de chacun d'entre eux
Je ne sonne pas le tocsin, ni ne détiens de pouvoir divin
je conduis le train
Je voudrais raconter les éditions de Minuit telles que je les voyais enfant. Et aussi mon père, Jérôme Lindon, comme je le voyais et l'aimais. Y a-t-il des archives pour ça ? Et comment être une archive de l'enfant que j'ai été ?
Une bête, autrement plus sauvage que les bisons et les loups, franchit le mur de la Wild French Reserve.
Eva-Lou, jeune recrue de la WFR, veut être la première à l'atteindre de sa carabine. Nassim, journaliste écolo, veut faire son portrait avant tout le monde. Mais que veut la bête ?
Regarder passer les bateaux sur le fleuve Douro, au Portugal, se promener dans la nuit de Kyoto, voir filer les poissons sous un petit pont de bois de Takayama, jouer au pachinko à Tokyo, marcher sur les rives d'un lac du Colorado, faire un tour à scooter dans Paris, flâner sur une plage normande, ça vous dirait ? Ah, les voyages que ça permet, la lecture, ah, l'espace idéal que c'est, un roman, où on peut circuler d'un lieu à l'autre, librement.
Harun Farocki, né en 1944 à Neutitschein (aujourd'hui Novíý Jicín en République tchèque), a réalisé des films et des oeuvres audiovisuelles depuis la fin des années 60 et des installations depuis 1995 (soit plus d'une centaine d'oeuvres). De 1962 jusqu'à sa mort en 2014, il a vécu à Berlin, comme cinéaste, essayiste, enseignant et artiste.
Emmanuelle André - Jacques Aumont - Paul Aymé - Raymond Bellour - Bernard Benoliel - Anne Bertrand - Damien Bertrand - Christa Blümlinger - Jacques Bontemps - Gabriel Bortzmeyer - Nicole Brenez - Érik Bullot - Mathieu Capel - Amadis Chamay - Serge Daney - Pierre Eugène - Jean-Paul Fargier - Harun Farocki - Hélène Frappat - Jean-Michel Frodon - Oliver Fuke - Hervé Gauville - Yervant Gianikian - Matthieu Gounelle - Philippe Grandrieux - Marie Anne Guerin - Ryûsuke Hamaguchi - Shiguéhiko Hasumi - Vinzenz Hediger - Nicolas Helm-Grovas - Radu Jude - Friedrich Kittler - Alexander Kluge - Romain Lefebvre - Mathieu Macheret - Catherine Malabou - Eva Markovits - Kira Mouratova - Laura Mulvey - Raphaël Nieuwjaer - Jacques Rancière - Mark Rappaport - Clément Rauger - Bert Rebhandl - Judith Revault d'Allonnes - Jacques Rivette - Jonathan Rosenbaum - Peter Szendy - Noah Teichner - Antoine Thirion - Marcos Uzal - Amos Vogel - Peter Wollen - Dork Zabunyan - Eugénie Zvonkine.
Dans son oeuvre critique et rigoureuse, Harun Farocki aimait décortiquer le travail des média, des films et des machines de vision, mais aussi étudier celui des artisans, des ouvriers et du monde commercial. Depuis le milieu des années 1960 jusqu'à sa mort en 2014, tout au long de sa vie de cinéaste, d'essayiste et d'artiste, il a analysé les dispositifs des images photographiques et post-photographiques, leurs régimes d'affection et de signification.
C.B.
« Oui, la poésie est une solution. C'est le troisième rituel que j'ai réalisé pour sortir de la dépression après le meurtre de mon petit ami Earth. Les rituels pour créer des poèmes provoquent en nous des changements dont nous ne connaissons pas encore l'étendue, et j'avais décidé de trouver les bons ingrédients pour le rituel, et je l'ai fait. Ça a marché. »
CAConrad travaille avec d'anciennes techniques poétiques et rituelles depuis 1975. Jeune poète, CAConrad a vécu à Philadelphie (USA), où nombre de ses proches ont disparu au début de la crise du sida. Dans En attendant de mourir à son tour (2017), il cherche à surmonter le meurtre de son compagnon Earth à travers 18 rituels de poésie (soma)tiques qui activent l'écriture par le corps tout en renouvelant les rapports entre poésie visuelle, prose, narration, activisme et humour.
Thomas entre dans le parc comme on rentre dans une image et Comme si de couleurs les ondes on teignait Ou si l'air et le vent de couleurs on peignait, et c'est du septième art.
De 1892 à 1924, près de seize millions d'émigrants en provenance d'Europe sont passés par Ellis Island, un îlot de quelques hectares où avait été aménagé un centre de transit, tout près de la statue de la Liberté, à New York. Parce qu'ils se sentaient directement concernés par ce que fut ce gigantesque exil, Georges Perec et Robert Bober ont dans un film, Récits d'Ellis Island, histoires d'errance et d'espoir, INA - 1979, décrit ce qui restait alors de ce lieu unique, et recueilli les traces de plus en plus rares qui demeurent dans la mémoire de ceux qui, au début du siècle, ont accompli ce voyage sans retour.
Notre livre se compose de trois grandes parties principales. La première restitue, à travers une visite à Ellis Island et à l'aide de textes et de documents, ce que fut la vie quotidienne sur ce que certains appelèrent ' l'île des larmes '. Dans la deuxième, ' Description d'un chemin ', Georges Perec évoque sa relation personnelle avec les thèmes de la dispersion et de l'identité. La troisième, 'Mémoires', reprend les témoignages d'hommes et de femmes qui, enfants, sont passés par Ellis Island et racontent leur attente, leur espoir, leurs rêves, leur insertion dans la vie américaine.
Le film Récits d'Ellis Island de Georges Perec et Robert Bober est édité en DVD par l'Institut National de l'Audiovisuel. Pour plus d'informations, rendez-vous sur le site ina.fr.
Il y a quelque temps déjà, Lise et François sont venus me voir, ils m'ont dit : ' Tu te souviens du journal que tu tenais quand tu avais dix-sept ans ? L'année du confinement et de la disparition de ton ami, toute cette histoire avec cette femme, cette sorcière ? Tu ne voudrais pas le publier ? '
Je n'ai rien répondu, j'ai pris un bout de papier et j'ai dessiné :
[Dessin]
Ça voulait dire, ' Non franchement, je n'ai pas envie de me replonger là-dedans. '
' T'inquiète, a dit François, on s'occupe de tout.
En tant qu'enseignante, j'étais satisfaite.
En tant qu'écrivain, je rechignais pour la forme.
En tant que rien de spécial, je pensais pan dans les dents.