Nos démocraties se montrent aujourd'hui très sourcilleuses en matière de morale publique. Celle-ci a en effet opéré son retour sous la pire des formes : le scandale. Affaires de corruption, malversations financières, faits divers sordides... Parfois, les trois sont réunis, comme en Belgique dernièrement, et l'on ne tarde pas à suspecter l'ensemble de la classe politique. La justice - sans doute la dernière instance d'identification du mal - est fortement mise à contribution et finit par sortir de son rôle : chaque jour, on lui demande davantage de trancher des conflits moraux. Mais par quoi nos concitoyens sont-ils tant fascinés ?Par la justice en elle-même ou par sa matière : le crime ? Pour le savoir, les participants au séminaire de philosophie du droit de l'Institut des hautes études sur la justice ont choisi d'appuyer leur réflexion sur des cas extrêmes -- tueurs en série, délinquants sexuels, détenus dangereux --, montrant notamment que le mal ne peut pas plus se réduire au « traitement » des criminels qu'à des statistiques : la question qu'il pose est de nature profondément politique... Avec : Olivier Abel, Antoine Garapon, Jean-Paul Jean, Paul Ricoeur, Joël Roman, Denis Salas, Daniel Zagury.
« Une époque de superstition est celle où les gens imaginent qu'ils en savent plus qu'ils n'en savent en réalité. En ce sens, le XXe siècle aura été certainement exceptionnellement riche en superstitions, et la cause en est une surestimation de ce que la science a accompli - non pas dans le champ des phénomènes relativement simples où elle a certes été extraordinairement efficace, mais dans le domaine des phénomènes complexes ; car dans ces derniers, l'application des techniques qui ont si bien réussi essentiellement dans les phénomènes simples s'est révélée très déroutante. »
Lorsqu'on ignore sa propre ignorance, cela fait des dégâts. Chacun pense savoir plus et mieux que les autres ; mieux les connaître qu'eux-mêmes ; pouvoir les conduire à leur place vers leurs véritables intérêts. L'intolérance est le produit de cette prétention aux certitudes, qui n'est rien d'autre qu'une croyance et la pire de toutes. Expression même de l'obscurantisme, elle est le socle commun de tous les totalitarismes, avec toutes les horreurs qui les accompagnent.
Corruption, blanchiment, évasion fiscale, contournement des sanctions internationales... Les autorités de régulation américaines traquent ces pratiques chez les entreprises transnationales qui, si elles sont avérées, peuvent entraîner des sanctions considérables : procès à rallonges, mises en causes personnelles, pénalités astronomiques et, plus grave encore, préjudice porté à la réputation de l'entreprise. Devant ces menaces et la perspective de se voir interdire l'accès au marché américain, mieux vaut souvent coopérer en mettant en oeuvre une nouvelle logique. L'entreprise suspectée doit alors renoncer à se défendre judiciairement, pratiquer elle-même des enquêtes internes poussées, s'acquitter d'amendes colossales et mettre en place des processus de compliance lourds et coûteux ; en bref : acheter la paix avec les autorités américaines. Cette justice sans la Justice n'a-t-elle pas le mérite de l'efficacité ? Ne préfigure-t-elle pas aussi un nouveau mode de régulation globale ? N'annonce-t-elle pas un nouveau régime d'obéissance mondialisée où l'on demande à chacun - sujet ou entreprise - de se faire le juge et le dénonciateur de lui-même ? Avec une préface inédite pour l'édition « Quadrige ».
La violence terroriste djihadiste telle que nous la connaissons aujourd'hui diffère de la guerre et du crime car non seulement elle viole les lois nationales et les lois de la guerre, mais elle brutalise aussi un accord partagé sur le monde. L'attentat fait voler en éclats l'unité phénoménologique du monde et génère ainsi le défi nouveau d'une hétérogénéité radicale et le sentiment inédit d'une perte de confiance généralisée. Pourtant, c'est en référence à des formes juridiques antérieures que l'on continue de la penser. De là, l'enjeu de forger des concepts appropriés : à la dialectique de la guerre et de l'état d'exception, nous proposons de substituer celle d'une épreuve démocratique qui met sous pression (stress) la Constitution et les institutions. Les armes à opposer au terrorisme ne sont donc pas seulement guerrières, policières ou procédurales. Elles résident aussi dans notre capacité à résister et à cultiver une vertu démocratique : la sérénité, qui n'a pas les mêmes implications pour les institutions et pour les personnes.
Peu de sujets de l'actualité contemporaine ne sauraient trouver dans l'oeuvre de Christopher Lasch des explications de fond. Son analyse est d'une puissance critique inégalée parce qu'il évite l'écueil de ceux qui critiquent le capitalisme contemporain tout en présentant ses dégâts comme le prix du progrès matériel et moral. Chronique de la rencontre programmée entre la fuite en progrès, c'est-à-dire la destruction méthodique au nom du principe de plaisir de tous les piliers de l'ordre bourgeois et la rationalisation de tous les aspects de la vie par la dynamique du capitalisme, la critique du progrès de Lasch est fondée sur l'étude de la personnalité dominante produite par le capitalisme avancé : Narcisse ou le moi minimal.
Au travers des grands thèmes qui traversent la pensée de Lasch - l'ascendance du moi narcissique, le mirage d'une « science pure de la société », la construction d'un État thérapeutique, la substitution de la méritocratie à l'idéal d'une société sans classe en tant qu'incarnation du rêve américain - l'ouvrage présente un panorama des diagnostics toujours justes de Lasch sur son temps et sur la catastrophe anthropologique du capitalisme de consommation. Il expose aussi la philosophie de l'espérance que Lasch a articulée au travers de l'exploration d'une tradition civique américaine dont la redécouverte offre des pistes au monde entier afin de faire en sorte que la volonté de construire une société meilleure demeure vivace sur les décombres encore fumants d
Ce dossier politique prend acte de la rupture introduite par l'élection d'Emmanuel Macron et formule certains paris sur l'avenir de la représentation politique, l'école et l'Etat de droit. La France, selon Anne-Lorraine Bujon et Antoine Garapon, peut devenir un laboratoire démocratique par le réveil de son esprit civique dans ce moment de transition. Lire aussi les pérégrinations de Montaigne en Irak et l'exception espagnole à l'âge de la régression.
L'amnistie est une mesure exceptionnelle qui, en effaçant le caractère punissable de certains faits, veut contribuer à apaiser une société en crise ou à restaurer l'unité d'une société déchirée. Quels sont les contours juridiques et les enjeux sociétaux de l'amnistie ? En quoi celle-ci est-elle un acte politique ? Est-elle une forme de pardon ? Implique-t-elle l'oubli ? Toutes les amnisties se ressemblent-elles ? Tous les crimes sont-ils amnistiables ? L'amnistie est-elle compatible avec le droit international des droits de l'homme et le droit international pénal ? Quelle place l'amnistie occupe-t-elle dans la justice transitionnelle ?
Le présent ouvrage examine ces questions, et d'autres, dans une perspective nationale et internationale, mais aussi interdisciplinaire (droit, histoire, philosophie, sociologie, criminologie, psychologie, sciences politiques...). Les différentes contributions qu'il contient interrogent le sens et les limites du pardon et la place de la mémoire dans l'oeuvre de justice.
Auteurs
Marc Verdussen, Pascal Bruckner,
Vaira Vike-Freiberga, Stéphane Gacon, Sandrine Lefranc, Antoine Garapon, Antonio Elorza, Jean-François Delangre, Joël Kotek et Olivier Luminet