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Jeanne Favret saada
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Désorceler nous introduit dans l'atelier d'une désorceleuse, Madame Flora, que Jeanne Favret-Saada a longuement fréquentée. Ainsi pouvons-nous saisir sur le vif les procédés verbaux et les actes rituels grâce auxquels la magicienne entraîne peu à peu ses patients à modifier leur manière d'être. Au contraire de ce qu'on imaginerait, elle n'exige d'eux une adhésion claire et inconditionnelle ni à son activité, ni à la sorcellerie. Il suffit qu'ils soient pris dans une spirale de malheurs incompréhensibles et qu'ils ne tiennent pas les sorts pour une hypothèse inenvisageable. Ensuite, tout son travail se déroule sous le signe de la supposition, comme dans les thérapies savantes que nous connaissons déjà.
L'increvable stéréotype des cultures urbaines - de supposés magiciens dupant des paysans crédules - fait ainsi place à la description d'un lent processus de guérison. Conçu pour résoudre des crises propres aux familles d'agriculteurs bocains, son bien-fondé séduit pourtant quiconque se trouve l'objet de malheurs répétés. -
Les sensibilités religieuses blessées
Jeanne Favret-saada
- Fayard
- Histoire de la Pensée
- 6 Septembre 2017
- 9782213673172
Depuis la parution des Versets sataniques de Salman Rushdie en 1988, nous nous sommes habitués aux accusations islamiques de blasphème contre des productions artistiques, ainsi qu'aux redoutables mobilisations qui les accompagnent. Or elles ont été préparées, dans l'Europe et les États-Unis des années 1960 à 1988, par celles de dévots du christianisme (dont parfois leurs Eglises) contre des films dont ils voulaient empêcher la sortie. Ils en ont successivement visé quatre, qui font aujourd'hui partie du répertoire international : Suzanne Simonin, La Religieuse de Diderot (Jacques Rivette, 1966) et Je vous salue, Marie (Jean-Luc Godard, 1985) ; Monty Python : La vie de Brian (1979) ; et La Dernière tentation du Christ (Martin Scorsese, 1988).
En se fondant notamment sur des archives inédites, 'Jeanne Favret-Saada propose une suite de récits qui relatent les ennuis de chacun d'entre eux, et la modification progressive de l'accusation de "blasphème" en une "atteinte aux sensibilités religieuses blessées". Ce sont autant de romans vrais, qui retracent à eux tous un moment unique de l'histoire de la liberté d'expression. -
Une Anthropologie des polémiques à enjeux religieux : le cas des affaires de blasphème
Jeanne Favret-saada
- Société d´ethnologie
- 10 Novembre 2023
- 9782365190589
Depuis 1989, Jeanne Favret-Saada s'est donné comme objet de recherche les affaires contemporaines de blasphème, comprises dans le cadre plus général des polémiques publiques à enjeux religieux. Elle a programmé l'examen de cas survenus depuis les années 1960 dans des États qui ont inscrit parmi leurs principes fondamentaux la séparation du politique et du religieux. Ils concernent deux ensembles religieux : d'une part, les christianismes, sur lesquels elle prépare actuellement un ouvrage ; et d'autre part, les islams, sur lesquels elle a publié un premier livre qui traite de l'affaire danoise des dessins de Mahomet en 2005-2006. Ce travail sur des cas vise leur mise en série comparative et historique. Or ce phénomène des accusations publiques de blasphème, qui occupe si souvent la une de nos journaux depuis vingt-cinq ans, est demeuré un non-sujet absolu pour l'ethnologie et la sociologie, sans que la moindre justification soit donnée à cette abstention. Jeanne Favret-Saada s'interroge sur cette situation, et développe quelques orientations de son travail en cours.
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Le christianisme et ses juifs (1800-2000)
Jeanne Favret-saada
- Seuil
- Sciences humaines (H.C.)
- 25 Août 2015
- 9782021295245
Ce livre entrecroise deux histoires. L'une, locale, minuscule, se focalise sur un village de la Bavière catholique. Oberammergau, où chaque décennie depuis 1634 les habitants jouent un Mystère de la Passion du Christ. Au fil des XIXe et XXe siècles, ce spectacle religieux draine des publics énormes, de toutes confessions, de toutes conditions sociales et provenances (notamment l'Europe et les États-Unis), devenant ainsi le drame sacré le plus fréquenté du monde.
L'autre histoire se déploie sur la scène européenne puis euro-américaine et concerne les relations des Églises chrétiennes avec les juifs - comment elles les ont perçus, pensés et traités au cours du lent processus de leur émancipation politique (1771-1871). La culture antijuive du christianisme et plus particulièrement du catholicisme, y apparaît sous ses divers aspects: théologique, politique, social et esthétique. Autant de questions absentes des histoires générales du christianisme comme de celles de l'antisémitisme.
En point d'orgue, la destruction des juifs d'Europe par le nazisme et le problème de la part de responsabilité des Églises dans cette catastrophe. Sans doute n'ont-elles pas voulu l'extermination, mais elles ont contribué, avec beaucoup d'autres acteurs sociaux, à la laisser s'accomplir. Les institutions religieuses ne l'ont pas dénoncée. Des chrétiens ordinaires ont participé au meurtre de masse ou à ses préalables - privations de droits, ghettoïsation, spoliation, déportations. D'autres chrétiens en sont restés les témoins muets, voire approbateurs.
Dès 1900, le drame sacré d'Oberammergau a commencé à être accusé d'antisémitisme. Après Auschwitz, ces accusations prennent une tout autre gravité. Les organisations juives internationales se mobilisent, soutenues par ceux des chrétiens qui souhaitent rompre avec le passé antijuif de leur religion. On suivra pas à pas, de Vatican II à l'an 2000, les mutations de l'Église catholique dans ses relations avec le judaïsme: une révolution théologique et un repentir sincère, mais sans la moindre assomption de son histoire vis-à-vis des juifs. Les Oberammergauer profiteront de ces ambiguïtés pour maintenir vaille que vaille l'esprit antijuif de leur Passion, au nom de la tradition.
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Comment produire une crise mondiale ; avec douze petits dessins
Jeanne Favret-saada
- Fayard
- Essais
- 11 Mars 2015
- 9782213688664
Le 30 septembre 2005, le journal danois Jyllands-Posten publie une enquête sur l'autocensure des artistes danois qui comporte des articles et des dessins représentant le Prophète de l'islam. L'un d'eux deviendra l'emblème de l'affaire : il montre la tête de Mahomet coiffée d'un turban contenant une bombe à la mèche allumée. Le caricaturiste vise les justifications coraniques des terroristes, mais il va être accusé d'avoir insulté le Prophète, l'islam, et un milliard trois cents millions de musulmans.L'auteur a enquêté au Danemark en 2006 et reconstitué les faits avec minutie, depuis les hésitations de la politique danoise d'intégration des immigrés jusqu'à la coalition de quelques imams radicaux, qui s'emparent de la publication des dessins pour internationaliser une crise locale en s'alliant à de hauts responsables égyptiens et moyen-orientaux.Dans cette nouvelle édition, l'auteur inscrit l'affaire des « caricatures de Mahomet » dans une séquence historique ouverte depuis un quart de siècle par la condamnation à mort du romancier britannique Salman Rushdie en 1989 et poursuivie en 2015 par l'assassinat des collaborateurs du journal satirique français Charlie Hebdo, démontrant comment les conflits sur le droit à la satire et, au-delà, sur le droit à la liberté d'expression, ont aujourd'hui changé d'échelle et de méthode.Jeanne Favret-Saada est anthropologue, directrice d'études honoraire à l'École Pratique des Hautes Études, section des sciences religieuses. Elle a notamment publié Les Mots, la mort, les sorts (Gallimard, 1977).