Des P.-D.G. qui font la queue pour plancher devant des examinateurs à peine trentenaires. Un petit professeur d'université qui ferraille contre la corruption des patrons coréens. Des fonctionnaires britanniques qui obligent une compagnie pétrolière, à l'autre bout de la planète, à respecter l'environnement et les droits de l'homme. Tous ces empêcheurs de tourner en rond ont une arme commune : ils sont actionnaires. En s'appuyant sur l'énorme force de frappe des fonds de pension, associations militantes et syndicats changent aujourd'hui le capitalisme de l'intérieur, pour mieux changer le monde. Marx n'aurait jamais imaginé, qu'un jour, le pouvoir du capital servirait la cause du peuple. Les patrons ont désormais des patrons : nous tous. C'est ainsi qu'est en train de naître, de Washington à Séoul, en passant par Londres et Paris, un véritable mouvement politique. Il pourrait bien bouleverser nos vies. Voyage au pays de ces citoyens-actionnaires qui font la Révolution à la corbeille.
Il y a, en France, des mots qui fâchent. Libéralisme est de ceux-là. Diabolisé par les politiques et les intellectuels, le libéralisme n'est pourtant pas ce que croient nos concitoyens. Loin d'être une doctrine anglo-saxonne, il fut inventé en France, d'où il s'exporta depuis la Révolution française jusqu'au début du XXe siècle. Loin d'être une doctrine strictement économique, il s'enracine dans l'histoire des luttes contre la tyrannie et constitue, aujourd'hui encore, un rempart efficace contre les privilèges et contre la menace totalitaire. Loin d'être une doctrine anti-sociale, il contient la seule recette crédible pour résorber le chômage, et il assure cette mobilité sociale qui nous manque tant. Le modèle français fait eau de toutes parts, mais nous nous obstinons à le défendre et à regarder avec condescendance les succès de nos voisins qui, tous, ont adopté l'économie de marché au nom du bien-être collectif. Les bonnes âmes qui entretiennent ainsi notre aveuglement, trahissent à la fois la cause des plus faibles et, ce qui fut longtemps une tradition française avec laquelle nous pourrions renouer, le libéralisme social.