Filtrer
Éditeurs
Langues
Accessibilité
Prix
Éditions des Équateurs
-
« Oui, avoue le chevalier, je suis peut-être fou, mais à tout prendre je le suis moins que la société où nous vivons ». Si chacun se retrouve dans Don Quichotte, c'est qu'il s'agit de l'oeuvre qui, par excellence, nous permet de faire face à un monde privé de sens. L'ingénieux hidalgo est le symbole de l'homme moderne confronté à un univers dont toutes les structures signifiantes se délitent. Sa réponse : croire sans relâche et faire comme si. Voilà ce que conseille le roman de Cervantès : substituer au monde réel un imaginaire où l'on puisse conserver espoir. Don Quichotte n'est pas un simple personnage, il est aussi auteur, celui de son destin . De toute l'histoire de la littérature, il est le premier personnage à décider de vivre sa vie comme dans les livres. Ce « premier beatnik, la moto en moins » franchit la barrière séparant la fiction de la réalité, faisant de ce roman absolument moderne celui du dévoilement de toutes les apparences et de la transgression de toutes les limites. Aujourd'hui encore, on apprend des efforts comme des revers de ce personnage. Ses épreuves renvoient à quantité d'expériences contemporaines : les mondes virtuels, le complotisme, la nécessité des utopies ou l'importance de l'engagement. La nature comique de ce chef-d'oeuvre de la littérature universelle, comme un pied de nez lancé depuis plus de quatre siècles à la face du monde, nous oblige à rire de l'existence plutôt que d'en pleurer.
-
L'Iliade est le récit de la guerre de Troie. L'Odyssée raconte le retour d'Ulysse en son royaume d'Ithaque. L'un décrit la guerre, l'autre la restauration de l'ordre. Tous deux dessinent les contours de la condition humaine. À Troie, c'est la ruée des masses enragées, manipulées par les dieux. Dans l'Odyssée on découvre Ulysse, circulant entre les îles, et découvrant soudain la possibilité d'échapper à la prédestination. Entre les deux poèmes se joue ainsi une très violente oscillation : malédiction de la guerre ici, possibilité d'une île là-bas, temps des héros de côté là, aventure intérieure de ce côté ci. Ces textes ont cristallisé des mythes qui se répandaient par le truchement des aèdes dans les populations des royaumes mycéniens et de la Grèce archaïque il y a 2500 ans. Ils nous semblent étranges, parfois monstrueux. Ils sont peuplés de créatures hideuses, de magiciennes belles comme la mort, d'armées en déroute, d'amis intransigeants, d'épouses sacrificielles et de guerriers furieux. Les tempêtes se lèvent, les murailles s'écroulent, les dieux font l'amour, les reines sanglotent, les soldats sèchent leurs larmes sur des tuniques en sang, les hommes s'étripent et une scène tendre interrompt le massacre pour nous rappeler que les caresses arrêtent la vengeance. Préparons nous : nous passerons des fleuves et des champs de bataille, nous serons jetés dans la mêlée, conviés à l'assemblée des dieux, nous essuierons des tempêtes et des averses de lumière, nous serons nimbés de brumes, pénétrerons dans des alcôves, visiterons des îles, prendrons pied sur des récifs. Parfois, des hommes mordront la poussière, à mort. D'autres seront sauvés. Toujours les dieux veilleront. Et toujours le soleil ruissellera et révèlera la beauté mêlée à la tragédie. Des hommes se démèneront pour mener leurs entreprises mais derrière chacun d'eux, un dieu veillera et jouera son jeu. L'Homme sera-t-il libre de ses choix ou devra-t-il obéir à son destin ? Est-il un pauvre pion ou une créature souveraine ? Mais une question nous taraude. D'où viennent exactement ces chants, surgis des profondeurs, explosant dans l'éternité ? Et pourquoi conservent-ils à nos oreilles cette incomparable familiarité ? Comment expliquer qu'un récit de 2500 ans d'âge, résonne à nos oreilles avec un lustre neuf, un pétillement aussi frais que le ressac d'une calanque ? Pourquoi ces vers paraissent-ils avoir été écrits pas plus tard qu'aujourd'hui, par un très vieux poète à la jeunesse immortelle, pour nous apprendre de quoi seront fait nos lendemains ? En termes moins lyriques (Homère est le seul maître en la matière) d'où provient la fraîcheur de ce texte ? Pourquoi ces dieux et ces héros semblent malgré la terreur qu'ils inspirent et le mystère qui les nimbe, des êtres si amicaux ?
-
Un été avec Jankélévitch
Cynthia Fleury
- Éditions des Équateurs
- Un été avec
- 31 Mai 2023
- 9782382845653
Né en 1903, mort en 1985, Jankélévitch connu les succès au crépuscule de sa vie et fut l'un des philosophes alors les plus médiatiques. Il est aujourd'hui le penseur qui convient pour conjurer la désespérance et le pessimisme. Jankélévitch nous apprend le charme de l'instant, les joies de l'action, nous met en garde contre les conformismes de la pensée et les mondes enrégimentés. C'est le pianiste de la philosophie, il joue sur les concepts comme sur un clavier. Ne manquons pas notre unique matinée de printemps. Jankélévitch disciple d'Alain nous montre que c'est l'heure, que cette heure ne dure qu'un instant. Le vent se lève, c'est maintenant ou jamais. Cynthia Fleury, philosophe, psychanalyste, auteur à succès d'ouvrages sur la fin du courage, le soin ou le ressentiment nous offre un été avec Jankélévitch allègre plein de paradoxes sur le temps et son irréversibilité. Un dialogue sur la jeunesse d'esprit qui est le meilleur remède contre les passions tristes qui nous menacent.
-
Pourquoi Colette ? Un grand écrivain, c'est aussi un écrivain qui crée des mythes, qui renouvelle notre mythologie. « Créer un poncif, c'est le génie », disait Baudelaire. Colette a créé quatre mythes : Claudine; Sido, Gigi, et Colette, elle-même, grand écrivain national, monstre sacré. Admirée par Simone de Beauvoir, pionnière de la transgression et de la provocation, elle fait souffler dans ses romans ce vent de liberté qui nous manque tant aujourd'hui. Antoine Compagnon décline toutes les facettes de Colette, des plus connues ou plus secrètes. De Claudine, sa première héroïne, dont son mari, Willy, s'appropria la paternité, signant de son propre nom les textes de son épouse et récoltant le succès et l'argent à sa place. Sido, inspirée par sa propre mère, sans doute sa plus belle invention romanesque. En passant par Gigi, son double littéraire charmante, légère, heureuse en amour et en mariage - à l'opposé de sa créatrice qui fuira « l'homme, souvent méchant » et trouvera refuge auprès des femmes. De sa Bourgogne natale à la présidence de l'académie Goncourt - elle qui n'avait aucun diplôme -, Colette ne fut jamais là où on l'attendait et emmena la littérature là où personne d'autre n'avait osé aller. Plus accessible que Proust, plus moderne que Gide, Claudel ou Valéry, Colette réussit la prouesse d'être à la fois lue dans les écoles et d'avoir conçu une oeuvre toujours aussi sulfureuse. Lire Colette aujourd'hui, c'est embrasser le XXe siècle dans toute son extravagance, grâce à un style qui n'a pas pris une ride.
-
« Esclaves, ne maudissons pas la vie. » Lire Arthur Rimbaud vous condamne à partir un jour sur les chemins. Chez le poète des Illuminations et d'Une saison en enfer, la vie s'organise dans le mouvement. Il s'échappe hors de l'Ardenne, cavale dans la nuit parisienne, court après l'amour en Belgique, se promène à Londres puis s'aventure à mort sur les pistes d'Afrique. La poésie est le mouvement des choses. Rimbaud se déplace sans répit, changeant de point de vue. Son projet : transformer le monde par les mots. Ses poèmes sont des projectiles, des bouquets de feu : cent cinquante ans plus tard, ils nous atteignent encore. Qu'avons-nous fait de nos douleurs ? Au temps où le monde était paralysé par un virus chinois, Sylvain Tesson a cheminé une saison avec Arthur Rimbaud. La marche - état suprême de la poésie - est, avec la littérature, l'antidote à l'ennui.
-
« Dumas, c'est la vie » écrivait George Sand. Né en juillet 1802, il est l'écrivain d'un éternel été. Passer des vacances avec lui c'est rendre visite à un ami, à un conteur ébouriffant qui nous tient en haleine et nous amuse, à un homme d'épée et de coeur. Orphelin de père à 4 ans, Alexandre Dumas a connu deux empires, trois rois et autant de révolutions ; il a subi l'exil et la faillite ; vécu des histoires d'amour trop nombreuses pour être sincères mais trop éphémères pour n'être pas douloureuses. Ses lecteurs, innombrables, connaissent-ils sa part méconnue, eux qui n'ont retenu de lui que l'épopée des Mousquetaires et la vengeance d'Edmond Dantès ? Savent-ils que ses grands romans n'ont occupé que trois années de sa vie ? Ont-ils idée de la masse de ses autres livres, de son théâtre et surtout de ses impressions de voyage, qui sont la plus belle partie de son oeuvre ? Jean-Christophe Rufin considère comme son frère d'arme et de plume. « En vous accompagnant tout l'été avec Dumas, j'ai le sentiment de m'acquitter d'une dette. Il a toujours été pour moi plus qu'un modèle, un grand frère qui marchait devant et me guidait sur le chemin de l'écriture. Il nous a fait à tous tant de bien qu'il mérite assez que, le temps d'un été, nous fassions honneur à sa cuisine littéraire. »