Cet ouvrage s'intéresse à la vie quotidienne de la Clinique de la Borde comme à ce qui la structure depuis le départ : la mise en place d'un collectif soignant. En quoi le fonctionnement collectif est-il particulièrement pertinent pour traiter les psychoses en institution ? Ce texte est traversé par une double exigence : penser la pratique, apprendre à penser à partir de la pratique. L'auteur propose des outils permettant de comprendre ce qu'est le collectif pour pouvoir l'inventer ailleurs. Ces outils sont philosophiques et issus des sciences sociales ; ils se mêlent ici à la présentation de ce qui fut l'expérience de La Borde.
Abordant de front les enjeux politiques et moraux posés par l'idéal d'autonomie personnelle, l'auteur en éclaire les conditions sociales et juridiques en même temps qu'il dessine un horizon de la prise en considération civile des personnes vulnérables. À partir d'une enquête anthropologique de plusieurs années auprès de personnes protégées, de leurs proches et de professionnels, l'ouvrage décrit des pratiques paradoxales de contrôle et d'assistance sur les ressources et dans la vie personnelle d'adultes vulnérables. Il rend compte de vécus ambivalents, marqués par des sentiments de dégradation et de consolation. Benoît Eyraud est sociologue au centre Max-Weber, université Lyon 2, CNRS, ENS LSH. Il a reçu pour cette recherche le prix de l'UNAFAM (Union nationale des amis et familles de malades psychiques), le prix de l'AMADES (Association d'anthropologie médicale appliquée au développement et à la santé) et le prix de la DREES / CNSA (Caisse nationale de solidarité autonomie) sur le handicap et la perte d'autonomie.
La psychiatrie est-elle en voie de disparition ? La psychiatrie de secteur annoncée comme une logique de soin visant l'intégration à la communauté a-t-elle vraiment commencé ?
Jean-Pierre Martin en a exploré les possibilités. Il associe une démarche de réhabilitation psychosociale du sujet, de refus des juridictions d'enfermement et de relégation. A l'interface du sanitaire et du social, la création d'un centre d'accueil et de crise lui a permis d'expérimenter de nouvelles approches cliniques ainsi que des pratiques d'intégration dans des réseaux de proximité centrés sur les patients. Celles-ci sont sous-tendues par une éthique du sujet comme personne sociale, qui rend obsolète le vieil amalgame : obligation de soin et dangerosité sociale.
Aujourd'hui ces pratiques sont remises en cause par le paradigme économique, les dotations budgétaires restrictives ; les théories biocomportementales et urgentistes viennent étayer l'évaluation de ce nouvel ordre médico-gestionnaire, réduisant toute politique de santé mentale à une épidémiologie normative.
Cet ouvrage milite pour ces pratiques menacées, il soutient avec force et enthousiasme l'intégration de la politique de santé mentale dans celle de la ville, le sujet citoyen et la communauté devant être des acteurs à part entière.
Sont analysés sur près de 30 ans, les dispositifs interinstitutionnels et territorialisés d'aide aux adolescents difficiles : des repères socio-historiques pour comprendre les vulnérabilités des acteurs et de l'action publique.
« Trimballés » entre les institutions de l'aide sociale à l'enfance, de la justice pour mineurs ou de la pédopsychiatrie, les adolescents dits « difficiles », c'est-à-dire sans solution de prise en charge, constituent un défi de taille pour l'action publique, ses organisations et ses professionnels. Ce livre retrace l'histoire de ce problème depuis les années 1980, en mettant l'accent sur le paradoxe d'une « action publique sur mesure », selon lequel plus l'aide est personnalisée, plus elle repose sur un réseau étendu d'intervenants issus d'horizons divers.
Ce livre se donne pour projet de raviver une psychanalyse de la connaissance dont l'objet électif est ici, dans le propos : la psychiatrie et le discours sur la folie, en s'inscrivant dans la filiation affirmée de Bachelard et Canguilhem, tandis que Freud est nommément convoqué, en étayage de la démarche. [...] Ce que traque inlassablement Bonnafé, ce sont les fondements de l'inhumain dont le système de la méconnaissance constitue le sol. Parmi les manifestations de l'inhumain, il y a le traitement réservé à la folie par la doxa, tant il est vrai qu'une civilisation se mesure au sort qu'elle concède à la folie. [...] Le mérite du texte foisonnant et quelque peu débridé - mais quelle bride devrait-il donc se mettre au cou ?- de Lucien Bonnafé est de recouper nos actualités où, à l'orée du siècle, se décide l'avenir de la psychiatrie. Il y aurait bien des éléments à reprendre pour les méditer dans ce qu'il nous donne à lire, que ce soient le statut anthropologique de la folie, la réflexion sur le pouvoir issu de Flora Tristan, le pouvoir, cette mystérieuse tragédie à l'heure de la biopolitique, la reprise des travaux d'Henri Lefebvre et Norbert Gutesman sur la mystification, le fétichisme et l'aliénation, tout ce qui oeuvre dans les processus de domination aujourd'hui à l'aune de la multi-médiatisation de la communication, le parasitisme moralisant , la manipulation culpabilisante des consciences , l'adulation du chiffre, à l'heure de l'évaluation forcée, l'idée force de la politique de secteur sans cesse sur le métier, etc. Yves Buin dans sa préface
Cet ouvrage présente une enquête documentée sur les psychologues qui interviennent au front des dispositifs d'insertion. Qui sont-ils ? Que font-ils ? Sont-ils des consultants, des « psychistes », des orientateurs, des médiateurs, ou encore et toujours des thérapeutes ? Au-delà de l'extrême diversité des profils de poste, ils tentent tous de s'affranchir des catégories construites en opposition dans l'histoire des politiques sociales : soin/santé, psychique/social, individu/société. Ils s'affranchissent tout autant des frontières institutionnelles et sectorielles. Du coup, leur arrivée dans le champ de l'insertion est l'indice de la prolifération d'une forme d'action publique qui privilégie l'horizontalité des dispositifs à la verticalité des institutions. Ainsi, l'insertion (dispositifs, professionnalités, acteurs, pratiques, catégories) apparaît comme un champ social hautement sensible où les débats entre politique de solidarité et politique de reconnaissance incarnent des enjeux politiques concrets et décisifs pour tout l'ensemble social. Docteur en sociologie, Christian Laval est chercheur associé au laboratoire Modys (Lyon/Saint-Etienne). Il est directeur adjoint de l'Observatoire national des pratiques en Santé mentale/ Précarité (ORSPERE).
L'errance dans la rue et ses prolongements (les accueils d'urgence et de stabilisation) sont-ils un nouveau paradigme de l'anormalité ? La souffrance psychique quitte sa dimension humaine pour être l'objet d'une traque biopolitique, qui, mobilisant professionnels de différents champs du social et du sanitaire, entraine la multiplication des dispositifs médico-administratifs à l'économie gestionnaire. Cet ouvrage tente de porter un regard positif sur le prendre soin collectif, l'écoute de la précarité et l'élaboration de voies de sortie de la rue qui ne sauraient être seulement psychiatriques. Au maintien et à l'extension de rapports de domination généralisés, en particulier les violences faites aux femmes, il oppose des pratiques cliniques qui reconnaissent les sujets humains en situation d'exclusion et de précarité comme créateurs et non uniquement victimes de leur destin. L'auteur interroge les rapports entre trauma et souffrance psychique, la place du soin psychiatrique dans cette question sociale, les impasses du paravent humanitaire et des politiques de santé mentale et de logement social face aux situations d'exclusion, mais aussi les pratiques juridiques et législatives d'inscription dans la précarité. Il s'agit là pour lui d'un enjeu historique, considéré comme utopie concrète , d'une société véritablement démocratique.
Jean-Pierre Martin est psychiatre de service public, chef de service d'un secteur du centre de Paris.
Lancé par le comité d'éthique de FUNAPEI et des médecins, le débat sur la stérilisation des femmes handicapées mentales apparaît sur la scène publique à la suite des avis (avril 1996) du Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé. Relancé dans les médias en été 1997 par le scandale des stérilisations en Suède et la révélation en France de cas de stérilisations effectuées à liinsu des jeunes femmes, il pose des questions de société poussée aux limites de l'humanité.
Alors que la diversité et lief?cacité des méthodes contraceptives sont connues et que l'épidémie de sida sévit depuis quinze ans, la sexualité des personnes handicapées mentales et leur éventuel désir de procréation restent des sujets tabous en France tout comme sont ignorés les risques évidents d'abus sexuels et de maladies sexuellement transmissibles, pourtant décrits dans les travaux étrangers pour cette population.
Face aux arguments de familles et de médecins qui justifient la stérilisation comme méthode contraceptive radicale, cet ouvrage aborde la question de la sexualité des personnes porteuses d'un handicap mental. Il propose des données, des analyses et des réflexions sur la réalité du phénomène de la stérilisation et sur la portée humaine, individuelle, sociale, juridique et éthique d'un tel acte.
Préface de René Kaës Si la psychanalyse est farouchement privée, la politique est résolument publique. Le présent essai se donne pour objectif d'explorer l'interaction de ces deux champs a priori éloignés, afin d'approfondir la nature du lien analytique, au regard des autres formes relationnelles qui régissent le sujet, dès lors qu'il est confronté au politique. Entre l'ambition nécessairement infructueuse de la psychanalyse d'offrir au sujet sa totale autonomie, et le fantasme d'un monde où la psychanalyse de tous les gouvernants permettrait au social d'optimiser son fonctionnement, il s'efforce de mieux comprendre la place actuelle de la psychanalyse et son articulation méconnue, sinon déniée, avec l'espace du politique. Au centre de ce parcours se situe la démocratie, forme politique majeure du monde contemporain, dont les principes pourraient tout aussi bien convenir pour définir les buts de la psychanalyse. Jean Ménéchal (1950-2001) a été maître de conférences en psychologie et psychopathologie cliniques à l'université de Lyon, après avoir suivi un cursus atypique et une analyse (diplômé d'HEC, chargé d'études au ministère de l'Equipement et des transports, sous-directeur adjoint au ministère des Affaires étrangères et de la coopération, diplômé de Sciences po, DEA d'histoire des mouvements sociaux à l'EHESS, etc.)
Cet ouvrage met en évidence les fondements des principaux systèmes législatifs européens concernant l'hospitalisation, le traitement, la vie hors de l'hôpital, le suivi des malades mentaux, l'organisation générale du soin psychiatrique, dans leurs rapports, souvent complexes, avec le traitement de la dangerosité et du maintien de l'ordre public. En livrant ici de nombreuses données inédites issues de la pratique jusque là peu connues même dans les milieux spécialisés, les auteurs entendent ainsi concourir au développement des droits de l'homme dans la construction politique de l'Europe.
Le droit d'être soigné ne va pas sans le droit des soignants ; de même que les droits ne vont pas sans les devoirs des soignants et des patients. Une approche pluridisciplinaire du sujet (historique, sociologique, juridique, philosophique) où professionnels, chercheurs et usagers ouvrent des pistes pour penser l'évolution de la psychiatrie publique. Alain Pidolle est psychiatre des hôpitaux (Moselle), il a été président de la Conférence nationale des présidents des CME des Centres hospitaliers spécialisés. Carole Thiry-Bour est sociologue spécialisée en sociologie de la santé.
Baliser la souffrance sociale, symptôme d'une société du profit qui ne sait partager, la repérer sous ses diverses déclinaisons, notamment dans le monde du travail et de ses exclus, l'illustrer d'analyses accompagnées de réponses concrètes, tel est le but de l'approche tant sociologique que clinique proposée ici.
Michel Joubert est professeur de sociologie, Université Paris VIII, chercheur au CESAMES (CNRS-INSERM) ; Claude Louzoun est psychiatre, président du Comité européen : droit, éthique et psychiatrie, vice-président de PROGRES.
Cet ouvrage milite pour la mise en place d'une véritable politique de santé mentale assortie de pratiques concrètes. Pour cela, il est nécessaire que la sommation des souffrances individuelles devienne une affaire collective ouvrant un champ qui dépasse largement les soins psychiatriques et la réhabilitation sociale des personnes atteintes de maladies mentales, en veillant à éviter la psychologisation des problèmes sociaux, qui renforce l'atomisation des individus, forme la plus achevée de la perte des solidarités. Comment fonder ce champ de la santé mentale, vaste et englobant, qu'il convient d'interroger dans sa nature comme dans ses effets ?
Jean Furtos, psychiatre, directeur scientifique de l'ORSPERE-ONSMP, Bron.
Christian Laval, sociologue, ORSPERE.
Toute société sécrète un certain type de folie qu'elle se propose parallèlement de combattre. La psychiatrie publique est un des outils de cette lutte tout comme le système d'assistance sociale. Cependant aujourd'hui, peut-on dire que ce modèle qui a fonctionné de manière efficace à un moment donné constitue encore une référence pertinente pour demain ? L'édifice nosographique médical organisé autour de la notion de maladie n'est-il pas mis à mal par les nouvelles formes de souffrances psychiques générées notamment par l'exclusion sociale ? Les dispositifs d'assistance et d'aide sociale qui ont crû tant en nombre qu'en volume financier aident-ils à faire société ou au contraire ne creusent-ils pas la fracture sociale ?
A partir de son expérience clinique de trente-cinq années au sein d'un service public de santé mentale, l'auteur replace le soin psychologique dans son contexte historique et son environnement sociologique actuel. Il propose de redéfinir les champs et les missions d'une psychiatrie soucieuse de l'humain mais adaptée à notre temps.
En juin 2003, 2000 professionnels de la psychiatrie, tous représentants syndicaux et associatifs, se sont regroupés lors des états généraux de la psychiatrie. L'objectif : réaliser le front uni des soignants face au démantèlement de la psychiatrie, témoigner de la gravité de la situation.Trois ans après, la menace d'une catastrophe sanitaire majeure s'approche : un sursaut éthique est indispensable. La psychiatrie, discipline intrinsèquement reliée au contexte sociopolitique, convoque ses acteurs à un engagement militant plus que jamais nécessaire pour continuer à faire oeuvre collective d'humanité.
Hervé Bokobza, psychiatre privé (Montpellier), président des états généraux de la psychiatrie.
Bénéficier des dispositifs de soins exige de supporter une passivité suffisante pour accepter d'être influencé par l'autre. Les situations traitées dans cet ouvrage concernent des sujets qui ne peuvent pas bénéficier des dispositifs de soins sans se sentir menacés : situations sociales et psychologiques d'extrême détresse, situations de traumatisme collectif et de violence sociale, différences et troubles qui cherchent leur sens, leur inscription psychique et sociale. Les auteurs ont fait le choix d'aborder ici l'actualité des situations de détresse comme autant d'appels à la créativité dans les relations aux patients comme dans les relations entre professionnels.
Régine Scelles, psychologue clinicienne, est professeur de psychopathologie à l'université de Rouen ; Annie Aubert, psychanalyste, psychologue clinicienne, université Tours.
L'agression sexuelle est un acte, par essence, impensable. Cette violence bouleverse, par ce qu'elle fait subir à la victime, par ce qu'elle met en jeu chez l'auteur, mais aussi par son écho dans l'ensemble du corps social. Après des décennies d'occultation de cette réalité, les législations et les pratiques juridiques, sanitaires, sociales et éducatives de différents pays ont pris acte de l'ampleur des enjeux liés aux violences sexuelles et en ont été profondément modifiées. Les dispositifs qui se mettent en place actuellement privilégient, en particulier, la parole de la victime, parole dont l'agression l'a privée. Mais se pose, dans le même temps, la question des réponses sociales apportées à l'auteur d'agression sexuelle, réponses qui oscillent entre la tentation de l'exclusion définitive et la promotion de dispositifs de soin, qui se présentent le plus souvent sous la forme d'une injonction adressée aux soignants de développer des approches thérapeutiques avec des sujets présumés jusqu'alors inaccessibles à tout changement. Exerçant en France, en Suisse, en Belgique ou au Canada, les auteurs rendent compte de diverses pratiques, cliniques notamment, auprès des auteurs d'agressions sexuelles, ainsi que de dispositifs de prévention ou d'accompagnement des professionnels.
Lire l'entretien avec l'auteur (propos recueillis par Audrey Minart)
Peut-on considérer les fous, non plus comme des personnes à part, mais comme des personnes à part entière ? Aujourd'hui, le mouvement des usagers en santé mentale revendique de faire entendre sa voix, à l'égal d'autres publics défavorisés. Au sein du mouvement des personnes handicapées qui proclame « Rien à notre sujet sans nous », le mouvement Advocacy France a pour devise : « Le jour où des personnes peu habituées à parler seront entendues par des personnes peu habituées à écouter, de grandes choses pourront arriver. » L'ambition de l'ouvrage est de dépasser la pétition de principe pour interroger les fondements de la démarche.
L'auteur analyse le chemin parcouru par les intéressés eux-mêmes entre la disqualification des « fous » et la prise de parole des « usagers » afin d'éclairer les concepts en oeuvre dans le mouvement d'émancipation des personnes en souffrance psychique. S'appuyant sur leurs témoignages et sur une recherche historique et philosophique, l'ouvrage s'inscrit dans le mouvement des madstudies qui reste, en France, à développer. Si la disqualification a longtemps été le sort des « fous », comment la comprendre pour mieux la contester ?