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Que faire du passé ? réflexions sur la cancel culture
Pierre Vesperini
- Fayard
- Essais
- 18 Mai 2022
- 9782213724058
Un extraordinaire paradoxe caractérise notre époque.
D'une part, jamais la connaissance du passé n'a été aussi faible, aussi dévalorisée, y compris par les gouvernements : en témoignent le lieu commun selon lequel la connaissance du passé ne sert à rien dans une société moderne, le dégraissement progressif des programmes scolaires en histoire.
Mais, d'autre part, jamais le passé n'a été autant investi symboliquement. Depuis une vingtaine d'années, cet investissement était surtout le fait des pouvoirs publics, sans oublier la vigilance extrême avec laquelle les régimes autoritaires, de la Chine à la Russie en passant par la Turquie ou la Hongrie, etc., cherchent à contrôler la mémoire publique. Mais depuis quelques années, avec le phénomène de la cancel culture et du wokisme, cet investissement vient de la société elle-même. Le débat fait rage depuis lors, entre deux minorités : celle des militants qui veulent tout changer, celle des gens de pouvoir, naturellement conservateurs. Les polémiques fleurissent, les noms d'oiseaux aussi, à proportion de l'ignorance.
Pierre Vesperini cherche à comprendre ce que signifie le mouvement de la cancel culture, les questions qu'il nous pose, et nous propose des solutions. Comme à son habitude, il travaille à partir de l'expérience historique concrète, et non de préjugés idéologiques ou d'abstractions théoriques. Le livre est donc constitué de trois enquêtes très précises, qui permettent d'aborder avec toute la clarté et la lucidité requise trois questions générales brûlantes aujourd'hui :Celle de la mémoire historique, à propos des statues qu'on déboulonne ou des noms qu'on supprime des institutions, monuments, etc.Celle de la culture esthétique (littérature, art, musique, etc.), à propos de la présence grandissante des trigger warnings ;Celle de la place de l'Antiquité classique aujourd'hui, à propos de la fin de l'enseignement obligatoire du latin et du grec au département de Classics de Princeton. -
Chaque époque affronte, à un moment de son histoire, son seuil mélancolique. De même, chaque individu connaît cette phase d'épuisement et d'érosion de soi. Cette épreuve est celle de la fin du courage. Comment convertir le découragement en reconquête de l'avenir ? Notre époque est celle de l'instrumentalisation et de la disparition du courage. Mais ni les démocraties ni les individus ne peuvent en rester à ce constat d'impuissance. Nul ne résiste à cet avilissement moral et politique. Il s'agit de surmonter ce désarroi et de retrouver le ressort du courage, pour soi, pour nos dirigeants si souvent contre-exemplaires, pour nos sociétés livrées à une impitoyable guerre économique. Le plus sûr moyen de s'opposer à l'entropie démocratique reste l'éthique du courage et sa refondation comme vertu démocratique. Dans cet essai enlevé, Cynthia Fleury rappelle qu'il n'y a pas de courage politique sans courage moral et montre avec brio comment la philosophie permet de fonder une théorie du courage qui articule l'individuel et le collectif. Car si l'homme courageux est toujours solitaire, l'éthique collective du courage est seule durable. Cynthia Fleury, philosophe, professeur à l'American University of Paris, travaille sur les outils de la régulation démocratique. Elle a publié de nombreux ouvrages, dont Les Pathologies de la démocratie (Fayard, 2005).
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Depuis des décennies, l'oeuvre polyphonique de Julia Kristeva s'est imposée comme une traversée du féminin. Rassemblant conférences inédites, entretiens ou tribunes, ce volume gravite autour d'un foyer central : le féminin à l'âge de la transformation anthropologique.
Le féminin que la pensée clinique de Julia Kristeva ausculte et révèle est un féminin transformatif, conditions et source de notre capacité de changer, spécifique à la psycho-sexualité humaine, qui se joue des identités sexuelles autrement que ne le fait la théorie du « genre ». Attentive aux mouvements féministes, mais avec une distance analytique venue de sa pratique du divan et de l'écriture, elle emprunte à de domaines aussi divers et mouvants que la politique et la linguistique, la philosophie et la littérature, l'histoire et l'éthique. Soucieuse de relier le langage au corps vivant, la théoricienne et la romancière questionnent la différence sexuelle et la guerre des sexes, la reliance et l'abjection de l'érotisme maternel, ou le temps du couple « considéré comme un des beaux-arts ».
Il fallait illuminer le génie féminin en compagnie de la philosophe Hannah Arendt, la psychanalyste Melanie Klein et l'écrivaine Colette. Il fallait s'éprendre de la jouissance mystique de la carmélite Thérèse d'Avila. Il fallait épouser la révolte du deuxième sexe avec Simone de Beauvoir, en passant par Émilie du Châtelet, Olympe de Gouges et Madame Roland, pour que la traversée s'épure en ce Prélude à une éthique du féminin.
Dans cette optique, le « besoin de croire » et « MeToo », les « cas limites » et la sublimation, « l'imaginaire de l'impossible » dans un monde sans Dieu, la chair des mots et des images, la souveraineté du langage chez Saint-Simon ou l'emprise du nihilisme chez Dostoïevski, la décapitation dans la mythologie grecque et le sacrifice sur nos écrans, selon les oeuvres des artistes contemporains, s'éclairent de façon nouvelle. Chaque sujet invente son sexe spécifique, qui est tout simplement sa créativité.
Essayiste, romancière, psychanalyste, Julia Kristeva, docteur honoris causa de plusieurs universités, dont l'oeuvre est traduite dans de nombreux pays - et intégralement aux États-Unis -, a reçu en 2004 le Prix Holberg, équivalent du Nobel pour les sciences humaines. -
Qui fait l'opinion ? Crises démocratiques et nouveaux médias
Antoine Bristielle
- Fayard
- Essais
- 13 Novembre 2024
- 9782213728148
Essor des nouvelles générations de réseaux sociaux et succès des émissions d'infotainment, les nouveaux médias modifient en profondeur notre façon de nous informer. Dans leur sillage, nos représentants adaptent le format et le contenu de leur communication. Ces transformations sont loin d'être anodines pour l'opinion : hausse de l'abstention, attrait des partis populistes, adhésion au complotisme, polarisation affective... À tel point qu'il est urgent de s'interroger : les nouveaux médias font-ils le lit de la crise démocratique ? Aggravent-ils la défiance envers nos représentants ? Éloignent-ils les citoyens les uns des autres ?
Antoine Bristielle dévoile les mécanismes de cette machine à fabriquer l'opinion, son influence sur les prises de position publiques et la réception que nous leur réservons. Croisant techniques de sondage et méthodologie expérimentale, le spécialiste de l'opinion met à jour des liens trop peu examinés, mais décisifs dans nos choix politiques.
Antoine Bristielle est politiste, spécialiste de l'opinion publique. Docteur en science politique, il dirige l'Observatoire de l'opinion de la Fondation Jean-Jaurès. -
Créer des ponts entre les mondes : Une philosophe sur le terrain
Gabrielle Halpern
- Fayard
- Essais
- 18 Septembre 2024
- 9782213729176
Nous, Français, sommes divisés, acculés à l'impuissance et à la recherche de figures d'espérance. Or, comme le politique, le philosophe nous a déçus. Face au marasme, il n'a pas su répondre présent. Il est plus que temps qu'il prenne sa part.
Engagée dans la Cité, les deux pieds fermement ancrés dans le sol aux côtés de ses concitoyens, Gabrielle Halpern dénoue son propre parcours, aux mille détours. De Jérusalem aux couloirs des ministères et des entreprises, puis au fil d'un véritable tour de France, la philosophe de terrain nous embarque dans sa quête : hybrider les mondes. Autrement dit, créer des ponts entre eux.
Nous ne pouvons pas penser le coeur de ville sans les banlieues et les ruralités, les start-up sans les artisans, la jeunesse sans la vieillesse, sauf à créer des clivages... En faisant de l'hybridation un projet de société, nous pourrions bien trouver un chemin commun.
Docteure en philosophie et diplômée de l'École normale supérieure, Gabrielle Halpern a travaillé au sein de différents cabinets ministériels, avant de codiriger un incubateur de startup et de conseiller des entreprises et des institutions publiques.
Elle donne des conférences dans le monde entier et intervient très régulièrement dans la presse. Partie à la rencontre des Français et de leurs initiatives, Gabrielle Halpern nous fait découvrir un autre visage du pays, une France qui agit - comme une nouvelle manière de penser ce que nous sommes et serons. -
La charge raciale : Vertige d'un silence écrasant
Douce Dibondo
- Fayard
- Essais
- 7 Février 2024
- 9782213729053
« Toutes les personnes racisées sont des génies de l'adaptation. Penser à ne pas paraître "trop" noire, arabe ou asiatique, adopter une manière de parler, de s'habiller, de rire, réfléchir aux musiques choisies en soirée, renoncer à porter des capuches pour éviter la police... Bref, la charge raciale, c'est tout planifier quand on évolue dans des milieux majoritairement blancs et qu'on ne l'est pas. »
Le racisme aurait-il deux têtes ? Celle de la violence explicite, brutale, cyclique des morts et des agressions qui s'accumulent de la Méditerranée aux quartiers populaires. Puis celle d'une violence banale, plus taiseuse, qui se niche dans les relations quotidiennes et entrave la construction de son identité.
Douce Dibondo fait le constat d'un silence autour d'une blessure cachée dont la plaie brûle vive la peau des personnes noires et racisées : la charge raciale. Dans son premier essai, la journaliste indépendante, poète et militante afroqueerféministe mêle psychanalyse, art et témoignages pour en montrer tout l'impact.
Quand la bonne conscience blanche ne suffit plus et que le racisme qui gangrène notre société devient insoutenable, l'ouvrage de Douce Dibondo se veut un guide de survie salvateur et un manuel politique pour une émancipation future.
Douce Dibondo est écrivaine. En 2018, elle se fait connaître pour son podcast Extimité monté avec le journaliste Anthony Vincent, dans lequel iels donnent la parole aux personnes minorisées à la croisée de plusieurs oppressions (racisme, misogynie, handiphobie, homophobie, transphobie). -
Stéphane Hessel, 94 ans, a dit Indignez-vous ! et Engagez-vous ! Ses appels ont touché près de deux millions de Français et été traduits partout en Europe. Edgar Morin, 90 ans, a indiqué La Voie (70 000 ex.) pour exposer en tous domaines de la vie sociale et politique la meilleure façon, selon lui, de « changer le changement », en cessant de ressasser les solutions éculées, partisanes ou en trompe-l'oeil. Grand résistant, Hessel a salué à maintes reprises en Morin son frère de lutte et le metteur en forme du soulèvement des consciences et de l'engagement qu'il préconise. Tous deux ont marié leur ardeur et leur réflexion dans ce manifeste appelant à l'imagination et à l'exigence citoyenne pour redonner un horizon à ce siècle, un avenir à cette planète, une espérance à tous ceux à qui elle est ici et maintenant refusée.
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Le capital que je ne suis pas ! Mettre l'économie et le numérique au service de l'avenir
Anne Alombert, Gaël Giraud
- Fayard
- Essais
- 6 Mars 2024
- 9782213729602
Non, l'intelligence artificielle n'a rien d'intelligent. En collectant les savoirs humains, elle ne peut produire que la moyennisation et le mimétisme. Qui plus est, cette collecte s'opère à des fins lucratives, transformant notre vie quotidienne en source de profits.
Formant un tandem inattendu, une philosophe et un économiste nous proposent une analyse croisée de ce grand mouvement de capitalisation des êtres. Ils démontrent que les logiques sous-jacentes au développement de l'IA sont loin de l'objectivité scientifique ou de la neutralité politique, et que les algorithmes engendrent le risque d'une disparition du corps et d'une automatisation des esprits.
Mais ce livre est surtout une invitation à la résistance et à l'invention de nouvelles manières de vivre, en renouant avec le paradigme des communs et de l'économie contributive.
Maîtresse de conférences en philosophie contemporaine à l'université Paris 8, Anne Alombert s'intéresse aux enjeux des technologies numériques. Elle est l'autrice de Schizophrénie numérique (Allia, 2023) et de Penser l'humain et la technique (ENS Éditions, 2023).
Directeur de recherche au CNRS, économiste en chef de l'Agence française de développement jusqu'en 2019, jésuite, Gaël Giraud a fondé le programme de justice environnementale à l'université de Georgetown. Il est notamment l'auteur de Composer un monde en commun (Seuil, 2022). -
Sortir de notre impuissance politique
Geoffroy de Lagasnerie
- Fayard
- Essais
- 26 Août 2020
- 9782213718736
Parce que, depuis plusieurs décennies maintenant, la gauche ne cesse de stagner, de régresser, de perdre les combats qu'elle engage, il est nécessaire d'interroger nos
stratégies, nos modes de pensée et nos manières de lutter.
À quelles conditions les forces progressistes peuvent-elles redevenir puissantes politiquement ? -
Dans la forge du monde : Comment le choc des puissances façonne l'Europe
Pierre Haroche
- Fayard
- Essais
- 2 Mai 2024
- 9782213728414
Les Européens ont été les premiers à faire le tour du globe, en 1522. Ils ont donné à la mondialisation son impulsion par les voyages, le commerce et la colonisation, unifiant le monde comme leur vaste empire. Ils n'étaient pas une civilisation, ils étaient la civilisation.
Aujourd'hui, ils assistent au retour du balancier : désormais, l'histoire, c'est les autres. La rivalité entre les États-Unis et la Chine relègue au second plan un Vieux Continent confronté à nouveau à la guerre contre la Russie. Voilà le phénomène que Pierre Haroche met en lumière : le rôle de plus en plus crucial de la nouvelle compétition mondiale entre puissances dans le destin européen. Sous l'effet des dernières crises, dont l'électrochoc ukrainien, les Européens sont contraints d'innover, de se repenser, pour surmonter leurs faiblesses. Une nouvelle Europe est en train de sortir de la forge du monde.
Explorer cette boucle inattendue, cette valse séculaire entre deux entités titanesques - l'Europe et le monde -, tel est le projet de ce livre. Car nous sommes à la croisée des chemins.
PIERRE HAROCHE est maître de conférences en Relations internationales et Sécurité internationale à l'Université Queen Mary de Londres et chercheur associé Défense à l'Institut Jacques-Delors. Auparavant, il a travaillé à l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM) et au King's College de Londres. Ses recherches portent sur l'intégration et la sécurité européennes. Il est également l'auteur d'une anthologie sur l'idée d'Europe dans la littérature, Le Goût de l'Europe (Mercure de France, 2022). -
Vers la sécession scolaire ? Mécaniques de la ségrégation au collège
Youssef Souidi
- Fayard
- Essais
- 10 Avril 2024
- 9782213729008
L'école, dernier bastion du brassage social ? Un mirage rassurant. Mais l'absence de mixité sociale dans les classes n'est-elle pas le simple reflet des inégalités géographiques ? Non plus, et cet essai le souligne avec force : le système scolaire est traversé par ses propres fractures sociales. De là à parler d'une sécession scolaire ?
Les travaux de Youssef Souidi permettent de saisir l'ampleur prise par la ségrégation sociale sur les bancs des collèges français. Par l'analyse des données issues de milliers d'établissements, l'économiste estime sous un jour nouveau la contribution des différents acteurs - parents d'élèves, mais aussi responsables
politiques - à ce phénomène. À travers un tour de France des communes, il distingue ainsi des configurations aux contrastes marquants : une scission s'est parfois déjà opérée entre collèges privés à la composition sociale favorisée et collèges publics qui assument quasiment seuls la prise en charge de la difficulté sociale.
S'appuyant sur des travaux en sciences sociales et des expériences de politiques publiques, en France comme à l'étranger, cet ouvrage propose aussi des pistes pour remédier à ce problème majeur. Car il ne suffit pas d'invoquer la devise républicaine pour bâtir une école à la hauteur des enjeux, encore faut-il lui donner corps.
Youssef Souidi est chercheur postdoctorant au CNRS et à l'université Paris Dauphine-PSL. Il est l'auteur d'une thèse sur les mécanismes de la ségrégation sociale en milieu scolaire, sous la direction de Julien Grenet et Élise Huillery, soutenue à la Paris School of Economics et à l'EHESS. Ses travaux s'appuient sur de nombreuses sources de données, en vue d'améliorer la connaissance de faits sociaux et d'évaluer les effets des politiques publiques. -
Notre France noire : de A à Z
Abdourahman A. Waberi, Alain Mabanckou, Pascal Blanchard
- Fayard
- Essais
- 18 Octobre 2023
- 9782213718705
Qui était le premier « maire » noir de Paris ?
Quelle était la première miss France noire ?
Habib Benglia est-il le plus grand acteur noir français du xxe siècle ?
Quel rapport entre Mati Diop, Ababacar Diop et Omar Victor Diop ?
Qui a inventé la « Police des Noirs » ?
Qui a chanté « Le temps des colonies » ?
Sur quelle période l'émission Pulsations était-elle diffusée à la télévision française ?
Où se trouve le Jardin colonial ?
Qui a écrit l'ouvrage à succès L'Invasion noire ?
Combien d'années séparent le Congrès international de la race noire à Paris et le Congrès international des écrivains et artistes noirs à Paris ?
« Que vous ayez ou non toutes les réponses, que vous possédiez ou non déjà votre "brevet" de France noire, plongez avec nous dans quatre siècles d'histoire.
Les plus de 200 notices qui composent ce voyage s'écrivent pour nous comme une évidence. Car c'est notre histoire. Elle est en nous. Nous vous invitons à une revigorante randonnée à travers les cultures, les arts et les mémoires des populations noires de la France d'hier, d'aujourd'hui, voire de demain si on veut rêver du futur commun à construire et consolider ensemble. »
Après avoir déclaré leur amour aux cultures africaines chez Fayard en 2019, Alain Mabanckou et Abdourahman Waberi sont rejoints par l'historien Pascal Blanchard pour concevoir Notre France noire. Ce dictionnaire enjoué, d'Adoption aux Zoulous, en passant par Joséphine Baker, Champagney, Yannick Noah ou Arthur Rimbaud, mais aussi la publicité Banania, le CRAN, les humoristes noirs ou le rhum Negrita, est tour à tour facétieux et profond, culturel, historique et politique. Un Panthéon aux couleurs de la France.
Alain Mabanckou est l'auteur de romans à succès traduits dans le monde entier, dont Mémoires de porc-épic (prix Renaudot 2006), Verre cassé et Petit piment, et d'essais remarqués (Lettre à Jimmy, Le Sanglot de l'homme noir). Professeur à UCLA, finaliste du Man Booker International Prize, il a été nommé professeur au Collège de France à la Chaire de création artistique en 2016.
Pascal Blanchard est historien, auteur-réalisateur, chroniqueur et commissaire d'exposition. Chercheur associé au CRHIM-UNIL à Lausanne et co-directeur du Groupe de recherche Achac (Paris), il est spécialiste des imaginaires, de la question coloniale et des immigrations en France et a publié ou codirigé une soixantaine de livres, dont Sexe, race & colonies et Histoire globale de la France coloniale.
Abdourahman A. Waberi est romancier, poète et essayiste, auteur de plusieurs ouvrages primés comme le roman panafricain Aux États-Unis d'Afrique. Pensionnaire de la Villa Médicis en 2010, Grand Prix de la francophonie de l'Académie française en 2021, son oeuvre est traduite dans tous les continents. Il enseigne les littératures d'expression française et la création littéraire à l'université George Washington (Washington DC) et collabore notamment au Monde. -
« Lorsque j'étais enfant, j'apprenais la "théorie musicale" dans de petits manuels (je ne sais pas s'ils existent encore) partagés en deux : le livret vert des questions et celui rouge des réponses. La première leçon de la première année était la suivante : "Qu'est-ce que la musique ?" ; et sur le livret rouge, il était écrit : "La musique est l'art des sons". Quel ne fut pas mon éblouissement, à l'âge de huit ans, en découvrant cette définition. Je ne sais pas si ce fut mon entrée dans la "théorie musicale", mais je crois que ce fut mon entrée en philosophie. Il y avait dans cet énoncé tout le pouvoir magique des formules définitionnelles. Elle concentrait en quelques mots simples le mystère des choses impalpables. Je n'ai guère changé d'opinion : la musique est bien l'art des sons. »De cette définition banale, « la musique est l'art des sons », ce livre tire toutes les conséquences jusqu'aux plus éloignées. Chemin faisant, il répond aux questions que nous nous posons sur la musique et sur les arts. Pourquoi, partout où il y a de l'humanité, y a-t-il de la musique ? Pourquoi la musique nous fait-elle danser ? Et pourquoi nous émeut-elle parfois ? Qu'exprime la musique pure ? Représente-t-elle quelque chose ? Et qu'est-ce que la beauté ? Est-elle dans les choses ou en nous ? Pourquoi tous les êtres humains font-ils des images, des récits, des musiques ? Que nous disent du monde réel ces mondes imaginaires ?
Les questions les plus simples sont souvent les plus profondes. Aucun livre sur la musique ou sur les arts ne les pose avec cette tranquillité et cette originalité.Francis Wolff est philosophe, professeur à l'École normale supérieure (Paris). Il est notamment l'auteur de Socrate (PUF, 2000), Dire le monde (PUF, 2004), Philosophie de la corrida (Fayard, 2007) et Notre humanité (Fayard, 2010). Il a consacré une part importante de son enseignement à la musique. -
Le sentiment de « malaise dans la civilisation » n'est pas nouveau, mais il a retrouvé aujourd'hui en Europe une intensité sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale. La saturation de l'espace public par des discours économiques et identitaires est le symptôme d'une crise dont les causes profondes sont institutionnelles. La Loi, la démocratie, l'État, et tous les cadres juridiques auxquels nous continuons de nous référer, sont bousculés par la résurgence du vieux rêve occidental d'une harmonie fondée sur le calcul. Réactivé d'abord par le taylorisme et la planification soviétique, ce projet scientiste prend aujourd'hui la forme d'une gouvernance par les nombres, qui se déploie sous l'égide de la « globalisation ». La raison du pouvoir n'est plus recherchée dans une instance souveraine transcendant la société, mais dans des normes inhérentes à son bon fonctionnement. Prospère sur ces bases un nouvel idéal normatif, qui vise la réalisation efficace d'objectifs mesurables plutôt que l'obéissance à des lois justes. Porté par la révolution numérique, ce nouvel imaginaire institutionnel est celui d'une société où la loi cède la place au programme et la réglementation à la régulation. Mais dès lors que leur sécurité n'est pas garantie par une loi s'appliquant également à tous, les hommes n'ont plus d'autre issue que de faire allégeance à plus fort qu'eux. Radicalisant l'aspiration à un pouvoir impersonnel, qui caractérisait déjà l'affirmation du règne de la loi, la gouvernance par les nombres donne ainsi paradoxalement le jour à un monde dominé par les liens d'allégeance.
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Ce livre part d'un constat simple, qui se présente comme une énigme : bien que parfaitement justifiées et nécessaires, les luttes pour l'émancipation des femmes sont pour la plupart restées sans conséquences. À l'inverse de conquêtes sociales résultant clairement de mobilisations diverses, l'évolution du statut des femmes dans la société n'a fait suite à aucune grève, aucune manifestation d'ampleur, aucun blocage. Et cependant nul ne peut nier que, même s'il leur en reste à parcourir, les femmes ont fait du chemin depuis un siècle et demi.
À la croisée de deux thématiques, le féminisme et la crise environnementale, Véra Nikolski pose l'hypothèse « matérialiste » que c'est l'enrichissement général de la société, le progrès technique et plus spécifiquement médical qui ont permis aux femmes de faire évoluer leur statut social et politique. Volontairement polémique, le titre lie donc sciemment l'amélioration du sort des femmes avec le vaste processus historique enclenché à la révolution industrielle et dont on sait aujourd'hui qu'il fait peser des risques immenses sur notre environnement. Et ce afin de mettre les femmes en garde : la déstabilisation du climat et la crise des ressources ne menacent-elles pas de fragiliser voire d'inverser le mouvement d'égalisation ? Et dans ce cas ne faudrait-il pas abandonner la logique de réclamation qui caractérise le féminisme actuel pour mener le combat sur d'autres terrains ?
Issue d'une famille de scientifiques, Véra Nikolski est normalienne, titulaire d'un DEA de sciences sociales et d'un doctorat en science politique. Mère de trois filles et ancienne pratiquante d'arts martiaux, elle travaille dans la fonction publique. -
Philosophie des zones d'autonomie temporaires : Aux origines des ZAD
Dominique Lestel
- Fayard
- Essais
- 21 Février 2024
- 9782213728841
Le phénomène des ZAD a marqué l'opinion, mais sait-on qu'à son origine se trouve le concept de « Zone d'Autonomie Temporaire » ? Au coeur de l'anarchisme contemporain, ce dernier se réfère à la création d'espaces libertaires, pour une heure ou pour une année. Afin d'en saisir la portée, Dominique Lestel resitue cette notion dans son histoire et la replace dans la philosophie très particulière de celui qui l'a rendue célèbre - Hakim Bey.
À la fois théoricien anarchiste, poète spiritualiste et érudit soufi, Hakim Bey a côtoyé les communautés autogérées hippies qui fleurissaient aux États-Unis dans les années 1960-1980. Il s'est inspiré de cette expérience pour élaborer un anarchisme singulier, au croisement de la pratique politique, de l'expérimentation existentielle et de l'engagement esthétique. Une Zone d'Autonomie Temporaire apparaît comme une insurrection festive parasitant la société pour y créer des espaces de liberté. Ancrée dans une philosophie politique de l'amitié et de la convivialité, la généalogie de ces zones opère des détours étonnants, depuis d'intrigantes communautés pirates du xviie siècle jusqu'à certaines sociétés secrètes chinoises.
Ce livre profondément original nous plonge au coeur d'une démarche plus actuelle que jamais.
Dominique Lestel enseigne la philosophie contemporaine à l'ENS de la rue d'Ulm à Paris. -
Pourquoi doit-on donner, pourquoi doit-on accepter ce que l'on vous donne, et, quand on a accepté, pourquoi faut-il rendre?
Cet ouvrage évalue le rôle et l'importance du don dans le fonctionnement des sociétés et dans la constitution du lien social.
Le terrain, bien entendu, n'était pas vierge: Marcel Mauss, le premier, l'avait défriché allant jusqu'à avancer l'idée que si les choses données sont rendues c'est qu'il y a dans la chose donnée un esprit qui la pousse à revenir entre les mains de son donateur originaire. L'hypothèse valut à Mauss la critique sévère de Claude Lévi-Strauss, qui lui reprocha d'avoir pris une théorie indigène pour une théorie scientifique et d'avoir manqué de reconnaître pleinement le fait que la société humaine entière est échange et que pour en comprendre le sens il faut partir du symbolique et de sa primauté sur l'imaginaire et le réel.
La perspective générale adoptée par Maurice Godelier renouvelle profondément notre compréhension du don. Il analyse en effet les choses qu'on donne ou celles qu'on vend à partir des choses qu'on ne donne pas ou ne vend pas, des choses qu'on garde et que l'on doit garder, au premier rang desquelles les objets sacrés. Réanalysant les pratiques du potlatch et du kula sur lesquelles Mauss s'était appuyé, il montre que les énigmes auxquelles Mauss a été confronté se dissipent lorsque l'on comprend qu'il est tout à la fois possible de donner un objet et de le garder. Ce qui est donné, c'est le droit d'en user pour d'autres dons, ce qui est gardé c'est la propriété, inaliénable. Mais il faut encore expliquer pourquoi cette règle de droit s'applique aux objets précieux qu'on donne et non aux objets sacrés qu'on garde. La chose s'éclaire lorsqu'on fait apparaître ce qui est enfoui dans l'objet, l'imaginaire associé au pouvoir.
Il apparaît donc que toute société renferme deux ensembles de réalités: les unes, soustraites à l'échange, aux dons, au marché, constituent autant de point fixes nécessaires pour que les autres circulent. Et c'est précisément la redéfinition des ancrages fondamentaux du fait social qui constitue la tâche majeure de la pensée politique aujourd'hui.
Ancien directeur scientifique du Département des sciences de l'homme et de la société du CNRS, Prix international Alexander von Humboldt en sciences sociales, Maurice Godelier est directeur d'études à l'EHESS où il dirige le Centre de recherche et de documentation sur l'Océanie. Il a publié deux livres chez Fayard: La Production des Grands Hommes (1982), qui a reçu le Prix de l'Académie française, et L'Idéel et le matériel: Pensée, économies, sociétés (1984). -
La vie, la folie, les mots : trois femmes s'en sont faites les exploratrices lucides et passionnées en engageant leur existence autant que leur pensée, et en éclairant pour nous les enjeux majeurs de notre temps : Hannah Arendt (1906-1975), Melanie Klein (1882-1960) et Colette (1873-1954). Les trois volumes de cet ouvrage, dont voici le premier, se proposent d'en retracer l'aventure.
L'impact de certaines oeuvres ne se traduit pas à la somme de leurs éléments. Il dépend de l'incision historique qu'elles opèrent, de leurs répercussions et de leurs suites, de notre réception. Quelqu'un s'est trouvé à cette intersection, en a cristallisé les chances : le génie est ce sujet-là. Trois femmes extraordinaires ont ainsi marqué l'histoire de ce siècle. Mais qu'est-ce qui fait la singularité de chacune ?
Hannah Arendt, philosophe et politologue, est tout entière prise dans une méditation sur la vie qui demeure notre ultime après la crise des religions et idéologies. Vie menacée, vie désirable : mais quelle vie ? Face aux camps des deux totalitarismes, c'est sur le miracle de la natalité que se concentre l'oeuvre de cette rescapée du nazisme qui, en discussion avec Heidegger, et en rejetant l'automatisation moderne de l'espèce, pose des jalons d'une action politique envisagée en tant que pluralité vivante : comme naissance et comme étrangeté. Une utopie ? A moins que ce ne soit une manière de pardon, et donc une promesse.
Julia Kristeva a publié chez Fayard Etrangers à nous-même, Les nouvelles Maladies de l'âme, Sens et non-sens de la révolte, La révolte intime, ainsi que trois romans : Les Samouraïs, Le Vieil Homme et les loups, Possessions. -
« comme un vide en moi » ; habiter son présent
Moussa Nabati
- Fayard
- Essais
- 7 Novembre 2012
- 9782213674681
La présence à soi et aux autres constitue la voie privilégiée permettant au sujet d'éprouver le sentiment d'exister dans la confiance et la paix. C'est seulement lorsqu'il est en lien avec ceux qui l'entourent, qu'il peut s'épanouir, se donner et recevoir. En revanche, s'il est physiquement là mais psychologiquement absent, ailleurs ou nulle part, prisonnier du passé ou aimanté par l'avenir, il s'éjecte du temps présent. L'absence à soi se manifeste aussi par l'instabilité, l'empressement, l'indécision et l'ambivalence. Dans cet ouvrage Moussa Nabati cherche à répondre, à travers trois témoignages archétypaux, à deux questions fondamentales : Quels sont le sens et l'origine de cette absence à soi ? Comment habiter son présent ? Pour lui, ce dysfonctionnement renvoie à l'existence d'une carence matricielle ancienne, en raison de l'indisponibilité psychologique de la mère : immature, dépressive ou rejetante. Cela crée, chez l'enfant, une DIP (Dépression Infantile Précoce), un vide responsable, à l'âge adulte, de l'absence du sujet à lui-même mais aussi à la vie. Il aura dès lors tendance à fuir les circonstances lui rappelant ce manque et à rechercher, de manière excessive, la chaleur et la fusion afin de combler son vide.
L'auteur propose ensuite, à travers son nouveau concept de « compréhension incarnée » des pistes d'évolution concrètes : réhabiliter ses parents intérieurs pour réussir à se comporter vis-à-vis de soi telle une mère aimante et comme un père protecteur, s'aimer en se fixant des limites, pour jouir sereinement du présent. -
La démocratie n'existe pas. Elle reste à inventer.
Loin d'être un refus de la politique, la crise actuelle de la démocratie représentative se manifeste par le combat de citoyens demandant davantage de démocratie, de participation et d'égalité.
Libres et égaux en voix propose ainsi de donner une voix et des places à celles et ceux qui en ont été trop longtemps privés : les femmes, les classes populaires, les minorités. D'abord en repensant notre système électoral et en garantissant la représentation parmi les parlementaires de la réalité de la société. Ensuite en proposant un nouvel équilibre entre la démocratie représentative et un usage raisonné du référendum. Enfin en donnant aux citoyens les moyens de reprendre le contrôle des partis, des médias et de la philanthropie, afin de dessiner un nouvel horizon politique égalitaire.
En tant que chercheuse et citoyenne, Julia Cagé renouvelle en profondeur la réflexion sur l'égalité politique dans un plaidoyer armé de propositions concrètes pour changer les règles du jeu politique. Nous pouvons faire mieux que le monde dans lequel nous vivons ; fini de rêver, voici venu le temps d'agir !
Professeure d'économie à Sciences Po Paris, Julia Cagé est l'autrice de Sauver les médias (Seuil, 2015) et Le prix de la démocratie (Fayard, 2018), qui a reçu le prix Pétrarque de l'essai Le Monde/France Culture. -
Dictionnaire enjoué des cultures africaines
Alain Mabanckou, Abdourahman A. Waberi
- Fayard
- Essais
- 30 Octobre 2019
- 9782213707754
Abécédaire buissonnier, ce livre propose une sorte de portrait ou plus exactement une mythographie qui donne à voir et à sentir le pouls de l'Afrique. Un très grand continent dont la puissance culturelle est en train de se déployer sous nos yeux. Hier minorées, voire moquées, la voix et l'importance du Continent dans les affaires planétaires sont aujourd'hui indéniables. L'Afrique est en passe d'imposer une griffe, un style, une manière d'être au monde et en relation avec le reste du monde.
Dans ce dictionnaire tour à tour informatif, ludique, drôle, sérieux, Alain Mabanckou et Abdourahman Waberi entonnent un chant d'amour à l'Afrique, à ses habitants d'hier et d'aujourd'hui, à ses ressources exceptionnelles et à sa spectaculaire planétarisation.
Finaliste du Man Booker International Prize, Prix Renaudot 2006 pour Mémoires de porc-épic, Alain Mabanckou est l'auteur de plusieurs romans à succès traduits dans le monde entier, dont Verre cassé, Black Bazar, Petit piment, Les Cigognes sont immortelles. On lui doit également des essais très remarqués (Lettre à Jimmy, Le Sanglot de l'homme noir, Le monde est mon langage). En 2016 il a été nommé professeur au Collège de France à la Chaire de création artistique. Depuis une quinzaine d'années il réside à Los Angeles où il est professeur titulaire de littérature d'expression française à l'université de Californie-Los Angeles (UCLA).
Abdourahman A. Waberi est né en 1965 à Djibouti. Romancier, poète et essayiste, Grand Prix littéraire de l'Afrique noire 1996, ancien pensionnaire de l'Académie de France à Rome-Villa Médicis, il enseigne depuis 2012 les littératures d'expression française et la création littéraire à l'université George Washington (Washington DC) et collabore notamment au Monde. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages primés comme le roman panafricain Aux États-Unis d'Afrique (Lattès, 2006). Son oeuvre est traduite dans une douzaine de langues. -
Reconnaître la contribution majeure de quelques femmes exceptionnelles qui, de leur vie et leur oeuvre, ont marqué l'histoire de ce siècle, est un appel à l'unicité de chacun de nous, au dépassement de soi. Car au temps de la massification succède aujourd'hui le souci de singularité. Le Génie féminin s'inscrit dans cette perspective. Après Hannah Arendt : la vie, et avant Colette : les mots, voici Melanie Klein : la folie.
Adorée jusqu'au fanatisme dogmatique par ses disciples, honnie par ses détracteurs, Melanie Klein (1882-1960) apparaît comme la novatrice la plus originale de la psychanalyse. Alors que Freud centre la vie psychique du sujet sur l'épreuve de la castration et la fonction du père, Melanie Klein - sans les ignorer - les étaie d'une fonction maternelle, absente dans la théorie du fondateur. Pourtant, la mère ainsi révélée est loin de s'ériger en objet de culte, comme le prétendent trop facilement ses adversaires. Car c'est bien au matricide que Melanie Klein fut la première à penser. Capable dès la naissance d'un lien à l'objet (le sein, la mère), et habité de fantasmes aussi violents que réparateurs, l'enfant selon Melanie Klein a ouvert de nouveaux horizons à la clinique de la psychose et de l'autisme.
Pour avoir entendu plus nettement que quiconque l'angoisse, cette onde porteuse du plaisir, et élu le transfert et l'imaginaire comme terrains privilégiés de l'expérience analytique, Melanie Klein a fait de la psychanalyse un art de soigner la capacité de penser. Son oeuvre la situe ainsi au coeur le l'humanité pensante et de la crise moderne de la culture.
Julia Kristeva a publié aux éditions Fayard Etrangers à nous-mêmes, Les Nouvelles Maladies de l'âme, Sens et non-sens de la révolte, t. I et t. II, Le Génie féminin, t. I, Hannah Arendt, ainsi que trois romans : Les Samouraïs, Le Vieil Homme et les loups, Possessions. -
Ce que parler veut dire - l'economie des echanges linguistiques
Pierre Bourdieu
- Fayard
- Essais
- 20 Octobre 1982
- 9782213639444
Le discours n'est pas seulement un message destiné à être déchiffré; c'est aussi un produit que nous livrons à l'appréciation des autres et dont la valeur se définira dans sa relation avec d'autres produits plus rares ou plus communs. L'effet du marché linguistique, qui se rappelle à la conscience dans la timidité ou dans le trac des prises de parole publiques, ne cesse pas de s'exercer jusque dans les échanges les plus ordinaires de l'existence quotidienne: témoins les changements de langue que, dans les situations de bilinguisme, sans même y penser, les locuteurs opèrent en fonction des caractéristiques sociales de leur interlocuteur; ou, plus simplement, les corrections que doivent faire subir à leur accent, dès qu'ils sont placés en situation officielle, ceux qui sont ou se sentent les plus éloignés de la langue légitime.
Instrument de communication, la langue est aussi signe extérieur de richesse et un instrument du pouvoir. Et la science sociale doit essayer de rendre raison de ce qui est bien, si l'on y songe, un fait de magie: on peut agir avec des mots, ordres ou mots d'ordre. La force qui agit à travers les mots est-elle dans les paroles ou dans les porte-parole? On se trouve ainsi affronté à ce que les scolastiques appelaient le mystère du ministère, miracle de la transsubstantiation qui investit la parole du porte-parole d'une force qu'elle tient du groupe même sur lequel elle l'exerce.
Ayant ainsi renouvelé la manière de penser le langage, on peut aborder le terrain par excellence du pouvoir symbolique, celui de la politique, lieu de la prévision comme prédiction prétendant à produire sa propre réalisation. Et comprendre, dans leur économie spécifique, les luttes les plus éloignées, en apparence, de toute rationalité économique, comme celles du régionalisme ou du nationalisme. Mais on peut aussi, à titre de vérification, porter au jour l'intention refoulée de textes philosophiques dont la rigueur apparente n'est souvent que la trace visible de la censure particulièrement rigoureuse du marché auquel ils se destinent.
P. B. -
Vous en avez assez des étrangers? Vous êtes vous-même un étranger? Ou bien vous sentez-vous étranger dans votre propre pays? Ce livre s'adresse à vous, à votre douleur, à votre agacement.
A l'heure où la France devient le melting pot de la Méditerranée, une question se pose, qui est la pierre de touche de la morale pour le XXIe siècle: comment vivre avec les autres, sans les rejeter et sans les absorber, si nous ne nous reconnaissons pas " étrangers à nous-mêmes "?
Ce livre invite à penser notre propre façon de vivre en étranger ou avec des étrangers, en restituant le destin de l'étranger dans la civilisation européenne: les Grecs avec leurs " Métèques " et leurs " Barbares "; les Juifs inscrivant Ruth la Moabite au fondement de la royauté de David; saint Paul qui choisit de prêcher en direction des travailleurs immigrés pour en faire les premiers chrétiens, sans oublier Rabelais, Montaigne, Erasme, Montesquieu, Diderot, Kant, Herder, jusqu'à Camus et Nabokov qui ont chacun médité avant nous les merveilles et les malaises de la vie étrangère. Au coeur de cet avenir cosmopolite: les Droits de l'Homme sous la Révolution française, qui commence par honorer les étrangers avant de faire tomber la Terreur sur leurs têtes. En contrepoint: le nationalisme romantique et, pour finir, totalitaire. L'" inquiétante étrangeté " de Freud conclut ce parcours en suggérant une nouvelle éthique: ne pas " intégrer " l'étranger, mais respecter son désir de vivre différent, qui rejoint notre droit à la singularité, cette ultime conséquence des droits et des devoirs humains.