Les deux textes composant cet ouvrage constituent une présentation de la psychanalyse qui s'adresse d'abord aux non-spécialistes.
Celui qui a poignardé Salman Rushdie le 12 août 2022 à New York n'était pas né en 1989, lorsque l'ayatollah Khomeiny lançait une fatwa condamnant à mort l'auteur des Versets sataniques. Que s'est-il passé d'irrévocable avec ce roman pour que trente-trois ans plus tard, l'acharnement continue ? Pourquoi un écrivain est-il devenu le bouc émissaire de la confrontation identitaire entre L'islam et l'Occident ? La réplique ici est de donner à lire une oeuvre qui va plus loin que le blasphème.
Cette série de conférences (1915-1917) montrent le mouvement de la psychanalyse où apparaissent tous les problèmes majeurs qu'elle aborde.
Reprenant l'invitation de Jacques Derrida à renverser la formule "
The West and the Rest " et à ne pas considérer la psychanalyse comme un pur produit de la civilisation occidentale, cet ouvrage collectif en présente une géo-histoire alternative.
À partir des marges, des " restes " venus d'autres continents, se dessinent ainsi des voies de circulations diverses, parfois inattendues, des appropriations excentrées, des réinventions créatrices.
Grâce aux regards croisés d'une trentaine d'auteurs du Nord et du Sud, on découvrira que la psychanalyse a existé et continue d'exister " ailleurs ", de l'Inde à Madagascar, en passant par le monde arabe, l'Afrique et les Caraïbes, ou encore la Chine contemporaine, sans oublier l'Amérique latine. Et qu'elle a activement pris part à la tâche cruciale et inachevée d'une décolonisation de soi, corollaire indispensable à toute émancipation politique.
À travers des textes panoramiques, des entretiens, des portraits et des transversales qui exposent les débats interdisciplinaires suscités par l'événement freudien,
Psychanalyse du reste du monde offre à la fois une autre histoire, un panorama inédit de lieux, de situations et de controverses dans lesquels la psychanalyse a été impliquée, et une cartographie de sa circulation, comme pratique et comme outil critique.
Sur ces bases, résolument élargies, il devient possible d'envisager autrement l'avenir et la place de la psychanalyse dans le monde postcolonial qui est désormais notre monde commun.
"J'ai donc entrepris aujourd'hui, dans ma quatre-vingt-troisième année, de raconter le mythe de ma vie." C'est au printemps 1957, quatre ans avant sa mort, que
C.G. Jung éprouva le besoin de raconter à sa collaboratrice, Mme Aniela Jaffé, ce qu'il considérait comme l'essentiel de son existence et, rédigeant lui-même les passages les plus importants, la chargea de coordonner le tout. Un des grands fondateurs de la psychanalyse se fait le témoin de lui-même."
Ma vie est l'histoire d'un inconscient qui a accompli sa propre réalisation." Souvenirs, rêves et pensées est l'auto-analyse d'un des grands rêveurs de l'humanité qui s'explique en même temps sur l'au-delà, les mythes, les symboles, l'inconscient collectif et, jamais plus clairement qu'ici, sur la religion.
Table des matières :
Introduction
Prologue
I.Enfance
II.Années de collège
III.Années d'études
IV.Activité psychiatrique
V.Sigmund Freud
VI.Confrontation avec l'inconscient
VII.Genèse de l'oeuvre
VIII.La tour
IX.Voyages
X.Visions
XI.De la vie après la mort
XII.Pensées tardives
XIII.Rétrospective
Appendice
S'inquiétant de voir la psychothérapie de plus en plus altérée pour des raisons d'ordre économique, et appauvrie par des formations allégées, Irvin Yalom a voulu s'adresser aux nouvelles générations de thérapeutes et de patients. Dans cet ouvrage, construit en une sorte d'inventaire libre et généreux, il aborde les thèmes propres à la thérapie existentielle. En s'appuyant sur son expérience et ses talents de conteur, il y explore les différentes approches et pratiques présentes dans toute thérapie, offrant à ses lecteurs un enseignement précieux, une plongée au coeur de l'entreprise thérapeutique, sa complexité et ses incertitudes.Un demi-siècle de savoir-faire : à la fois manifeste psychanalytique et interpellation philosophique, florilège d'anecdotes vécues et confession essentielle, ce livre, traversé de bienveillance éclairée, continue de nous habiter en secret, de nous faire exister. Dominique Mathieu-Nazaire, Télérama.Traduit de l'anglais (États-Unis) par Anne Damour.
Le terme de toxique, d'un siècle à l'autre, semble avoir changé de signification. Du sens propre, concernant les paradis artificiels et les stupéfiants en tout genre, nous sommes passés à un sens métaphorique. Quelle est cette substance nouvelle, qui s'est glissée entre les êtres, qui se faufile entre les interstices du monde, entre les mots et les choses, et qui dit notre fragilité et notre angoisse ? Le toxique désigne ce qui vient empoisonner nos vies, soumises à des discours qui nous prennent au corps. Si la flèche du toxikon nous vient des Grecs, elle a accompli une trajectoire traversant l'Histoire pour se planter dorénavant dans la chair de chacun. Les prémices du toxique peuvent être trouvés dans les tourments de Trless, le héros de Musil, mais aussi dans la maladie d'amour dont souffre Emma, l'héroïne de Flaubert, comme empoisonnée par sa propre jouissance. Pour explorer cette hybris nouvelle, Clotilde Leguil démontre avec Lacan la dimension toxique du Surmoi contemporain et l'égarement de la jouissance lorsqu'elle oublie le désir.
"Métapsychologie" est le grand livre théorique que Freud projetait de consacrer en 1915 aux concepts fondamentaux de la psychanalyse. S'il devait à l'origine comprendre douze essais, seul ceux portant sur les pulsions, le refoulement, l'inconscient, le rêve et le deuil furent publiés. Ils appartiennent à ce qu'on appelle la première topique, qui découpe l'appareil psychique en conscient, préconscient et inconscient. Probablement parce qu'il était déjà en train de réorganiser la psychanalyse autour du moi, du surmoi et du ça, qui formeront à partir de 1920 la deuxième topique, Freud abandonna et détruisit les sept autres manuscrits, qui traitaient de la conscience, de l'angoisse, de l'hystérie de conversion, de la névrose de contrainte, de la sublimation, de la projection et des névroses de transfert. En 1983, par un hasard heureux, une ébauche du douzième essai fut retrouvée ; elle figure dans la présente édition.
Freud
L'Interprétation du rêve
Traduit de l'allemand et présenté par Jean-Pierre Lefebvre
" L'Interprétation du rêve a d'abord été négligée par ses destinataires. Elle évoque à ce titre la Phénoménologie de l'esprit de Hegel. Mais il n'y avait pas ici – bien au contraire – l'alibi épistémologique de l'obscurité du discours. L'une des formes de cette négligence fut un accueil critique de l'intention générale, du sens du travail : un symptôme qui signalait en fait la dimension totalement innovante de celui-ci. Et effectivement, dans le souci méthodique obstiné de prendre en compte toutes les objections, mais aussi dans son horizon théorique et culturel, et par la qualité même de son écriture, elle évoque surtout Le Capital de Karl Marx et L'Origine des espèces de Charles Darwin.
D'où un paradoxe qui intéresse notamment le traducteur : un livre d'auteur, apparemment lisse, articulé, systématique, linéaire, aujourd'hui encore identifié à ce que Stefan Zweig appelait une "heure étoilée de l'humanité', à une création géniale, mais qui se présente aussi comme un défi déroutant à l'édition scientifique tant il est le produit d'un atelier bourdonnant de lectures, de batailles, de reprises, de contacts avec les patients, de rapports plus ou moins allusifs avec un public. Paradoxe quasi onirique, objectivement inévitable, dont l'écriture est un acteur essentiel. Métaphore, aussi, de ce que la traduction affronte. "
J.-P. L.
Jean-Pierre Lefebvre est titulaire de la chaire de littérature allemande à l'École normale supérieure. Ses traductions de Hegel, Marx ou Paul Celan ont fait date.
Sa monumentale Interprétation des rêves (1900) n'ayant pas rencontré le succès qu'il escomptait, Freud en offre peu après, avec ce livre de 1901, un résumé clair et vivant pour en populariser les thèses. Écrit pour un large public, Sur le rêve synthétise donc, en une dizaine de courts chapitres, l'essentiel de ses idées. Il comprend également l'analyse de six rêves qu'il a faits, en particulier celui dit de « la table d'hôte », dont on a dit qu'il prolongeait le très célèbre rêve de "l'injection faite à Irma" qui est au coeur de L'Interprétation des rêves.
Recommandé à partir de la classe de terminale.
Traduction inédite.
Toute mère est sauvage. Sauvage en tant qu'elle fait serment, inconsciemment, de garder toujours en elle son enfant. De garder inaltéré le lien qui l'unit à son enfant dans cet espace matriciel à laquelle elle-même, petite, fut livrée. Ce serment se perpétue ainsi, secrètement, de mères en filles et en fils, jusqu'à l'étouffement et parfois même le meurtre, si de la différence ne vient pas en ouvrir le cercle, et briser l'enchantement. C'est ce serment, que doit rompre l'enfant pour devenir lui-même, accéder à sa vérité, son désir. Le risque qu'il affronte, pour pouvoir aimer, c'est d'abandonner la mère à la mélancolie et de traverser la peur d'être lui-même abandonné.
Comment des individus exposés avec une violence particulière à cette sauvagerie s'en sortent-ils ?
Pourquoi la parole et l'écoute psychanalytique peuvent elles ouvrir un nouvel espace de vie chez ces êtres menacés d'ensevelissement ?
Le déboulonnage des statues au nom de la lutte contre le racisme déconcerte. La violence avec laquelle la détestation des hommes s'affiche au coeur du combat féministe interroge. Que s'est-il donc passé pour que les engagements émancipateurs d'autrefois, les luttes anticoloniales et féministes notamment, opèrent un tel repli sur soi ?
Le phénomène d'« assignation identitaire » monte en puissance depuis une vingtaine d'années, au point d'impliquer la société tout entière. En témoignent l'évolution de la notion de genre et les métamorphoses de l'idée de race. Dans les deux cas, des instruments de pensée d'une formidable richesse - issus des oeuvres de Sartre, Beauvoir, Lacan, Césaire, Said, Fanon, Foucault, Deleuze ou Derrida - ont été réinterprétés jusqu'à l'outrance afin de conforter les idéaux d'un nouveau conformisme dont on trouve la trace autant chez certains adeptes du transgenrisme queer que du côté des Indigènes de la République et autres mouvements immergés dans la quête d'une politique racisée.
Mais parallèlement, la notion d'identité nationale a fait retour dans le discours des polémistes de l'extrême droite française, habités par la terreur du « grand remplacement » de soi par une altérité diabolisée : le migrant, le musulman, mai 68, etc. Ce discours valorise ce que les identitaires de l'autre bord récusent : l'identité blanche, masculine, virile, colonialiste, occidentale.
Identité contre identité, donc.
Un point commun entre toutes ces dérives : l'essentialisation de la différence et de l'universel. Élisabeth Roudinesco propose, en conclusion, quelques pistes pour échapper à cet enfer.
Historienne, Élisabeth Roudinesco est l'auteur de livres qui ont fait date sur l'Histoire de la psychanalyse en France, Jacques Lacan, Sigmund Freud (Prix Décembre 2014), la famille, etc. Elle est traduite dans le monde entier.
Freud explique pourquoi l'agressivité, l'hostilité et la cruauté sont inhérentes au genre humain. Il relie ce qui les relie au plaisir et à l'amour et il montre à quelles conditions la culture permet de contrôler les pulsions de mort.
En novembre 2019, Paul Preciado s'exprime devant 3500 psychanalystes lors des journées internationales de l'Ecole de la Cause Freudienne à Paris. Devant la profession qui l'a diagnostiqué « malade mental » et « dysphorique du genre », il s'appuie sur Kafka et son Rapport pour une académie, dans lequel un singe parlant discourt devant une assemblée de scientifiques. Loin de toute émancipation, le singe parlant de Kafka explique que son apprentissage du langage ne fut qu'un passage d'une cage à une autre : des barreaux de fer à la subjectivité humaine.
Depuis sa cage de « mutant », il ne s'agit pas pour Preciado de parler de l'homophobie ou la transphobie des pères fondateurs de la psychanalyse, mais de montrer la complicité de celle-ci avec une idéologie de la différence sexuelle datant de l'ère coloniale, aujourd'hui rendue obsolète par les moyens dont nous disposons pour influer sur nos corps et notre façon de procréer.
Surtout, le philosophe lance un appel à la transformation des discours et des pratiques psychologiques et psychanalytiques : dans les années à venir, nous devrons élaborer collectivement une épistémologie capable de rendre compte de la multiplicité des vivants, sans réduire le corps à sa force reproductive hétérosexuelle, et qui ne légitime pas la violence hétéro-patriarcale et coloniale.
La conférence provoque un séisme dans l'auditoire et depuis les associations psychanalytiques se déchirent. Filmé par des smartphones, le discours est mis en ligne et des fragments sont retranscrits, traduits et publiés sur internet sans souci d'exactitude. Afin d'élargir le débat, il importait de publier ce texte dans son intégralité.
La psychanalyse repose en grande partie sur cinq cas célèbres : Dora, Le Petit Hans, L'Homme aux Rats, L'Homme aux Loups, et Le Président Schreber, qui abordent des notions clés : l'hystérie, la phobie, l'obsession, la castration, la paranoïa. Freud les a regroupés dans Cinq psychanalyses. Cet ouvrage lu par des générations d'étudiants et de thérapeutes, qui n'était disponible que dans la traduction des PUF, est publié aujourd'hui par Payot dans une édition attractive (traduction nouvelle, préface substantielle pour chaque cas).
En septembre 1918, à Budapest, le Ve Congrès international de psychanalyse est notamment consacré aux névroses de guerre.
En 1925, la princesse Marie Bonaparte se rend à Vienne pour consulter le Pr Sigmund Freud. Cette rencontre sera « le plus grand événement de ma vie », note l'arrière-petite-nièce de Napoléon Ier, princesse de Grèce et de Danemark.
Durant quatorze années, ils échangeront près de neuf cents lettres jusqu'à la mort du fondateur de la psychanalyse, en 1939. Conservé à la bibliothèque du Congrès à Washington, cet ensemble de lettres est le dernier grand corpus de correspondance freudienne encore inédit.
Passionnante de bout en bout, foisonnant d'informations sur l'introduction de la psychanalyse en France, cette correspondance raconte un monde appelé à disparaître au coeur duquel deux protagonistes des plus étonnants évoluent. Car entre la princesse venue pour soigner sa dépression et l'un des savants les plus influents de son siècle, une amitié naît, qui dépasse bientôt le cadre de l'analyse. Leurs échanges donnent à voir un Freud tour à tour séduit, amusé, parfois lassé de cette patiente qui n'a de cesse de vouloir vivre pleinement sa vie amoureuse et questionne les conceptions freudiennes sur la femme à une époque où la quête du plaisir féminin reste profondément subversive.
« La dernière des Bonaparte », comme elle aimait à se qualifier, loin d'être la disciple dévote que l'on a parfois décrite, témoigne au fil des pages d'une
liberté de pensée audacieuse. Quels que soient leurs désaccords, Freud verra en elle une élève loyale. De fait, elle ne le trahira jamais et mettra sa fortune au service de la Société psychanalytique de Paris (SPP), qu'elle contribua à créer et, avec l'aide de nombreux soutiens, se portera à son secours pour l'aider à quitter l'Autriche nazie en 1938.
" La question cruciale pour le genre humain me semble être de savoir si et dans quelle mesure l'évolution de sa civilisation parviendra à venir à bout des perturbations de la vie collective par l'agressivité des hommes et leur pulsion d'autodestruction. Sous ce rapport, peut-être que précisément l'époque actuelle mérite un intérêt particulier. Les hommes sont arrivés maintenant à un tel degré de maîtrise des forces de la nature qu'avec l'aide de celles-ci il leur est facile de s'exterminer les uns les autres jusqu'au dernier. Ils le savent, d'où une bonne part de leur inquiétude actuelle, de leur malheur, de leur angoisse. Il faut dès lors espérer que l'autre des deux "puissances célestes', l'éros éternel, fera un effort pour l'emporter dans le combat contre son non moins immortel adversaire. Mais qui peut prédire le succès et l'issue ? "
Sigmund Freud
Traduit de l'allemand par Bernard Lortholary
Présentation, notes et bibliographie par Clotilde Leguil
Que se passe-t-il quand nous sommes confrontés à la perte d'un être aimé ou à celle d'un idéal ? Pourquoi certaines personnes réagissent-elles par le deuil alors que d'autres sombrent dans la dépression, voire la mélancolie ?
Élisabeth Roudinesco et Michel Plon
Dictionnaire de la psychanalyse
Riche de plus de six cents entrées, ouvrage de référence pour les professionnels et les étudiants comme pour le grand public, ce volume est le premier dictionnaire international qui traite de la psychanalyse sous tous ses aspects avec une approche à la fois historique, théorique et pratique : concepts, acteurs (théoriciens, praticiens, cas cliniques, intellectuels et artistes liés à son histoire), écoles et courants, maladies, techniques de cure, autres thérapies psychiques, histoire par pays, etc.
De très nombreux renvois, une bibliographie à chaque entrée, une chronologie de l'histoire de la psychanalyse dans le monde depuis ses origines et un index complètent cet impressionnant corpus, qui a été entièrement revu et mis à jour pour cette édition.
Nouvelle édition.
Qui n'a jamais entendu parler du complexe d'OEdipe ? Qui peut encore accuser la fatigue d'être la cause de nos lapsus ? L'oeuvre freudienne est l'une des plus importantes contributions intellectuelles du XXe siècle. Impossible d'en limiter les répercussions à la seule pratique de la psychanalyse. Elle a donné une consistance sans pareil à la phrase de Rimbaud : « Je est un autre. » De cette oeuvre, Jacques André extrait 100 mots comme autant de balises pour s'orienter dans une pensée en mouvement. Des mots qui sont tantôt des concepts (inconscient, refoulement...), tantôt des termes de la langue commune dont la psychanalyse a enrichi ou déplacé le sens (jalousie, mort, négation...). Et parfois des mots qui sont des noms dans la culture de l'homme Freud (Acropole, Hamlet, Léonard de Vinci...).
Les femmes ? Elles sont depuis le début le moteur de la psychanalyse : elles ont fait son histoire aussi bien en étant étudiées par elle qu'en tant que théoriciennes, créatrices, penseuses ; fougueuses, parfois excessives, pleines de feu, elles ont refusé de se couler dans la norme et les assignations liées à leur sexe. Tel est le fil rouge de ce livre qui raconte, en une cinquantaine de courts chapitres, la relation de la psychanalyse au sexe et à l'amour. En quoi la vie de Lou Andreas-Salomé nous indique-t-elle ce qu'est une femme libre ? Peut-on désirer sans dominer, contrairement à ce que fit Jung avec Sabina Spielrein ? Pourquoi certains, comme Victor Tausk, se suicident-ils au moment où l'amour entre dans leur vie ? Comment en venons-nous à haïr notre conjoint, comme Winnicott avec sa femme ? Que faire quand, comme la Lol V. Stein de Duras relue par Lacan, la jalousie nous crucifie ? Pourquoi acceptons-nous parfois que la personne qu'on aime en aime une autre sans cesser pourtant de nous aimer, comme le firent Virginia Wool, Keynes et les membres du groupe de Bloomsbury ? Peut-on rester l'analysant(e) de la personne avec qui l'on vit une grande histoire d'amour, comme Catherine Millot et Lacan ? Et plus largement, la psychanalyse peut-elle encore nous aider, aujourd'hui, dans notre vie amoureuse et sexuelle ?
La psychanalyse a-t-elle encore des choses à dire ? À une époque où les études de genre, les analyses de Foucault et les mouvements LGBTQI+ ont inventé d'autres perspectives en matière de genre et de sexualité, comment peut-on encore parler de l'OEdipe, de l'" envie de pénis ", de la " différence des sexes " ? Près de cent cinquante ans après son invention par Freud, soixante-dix ans après sa relecture par Lacan, la psychanalyse peut-elle prendre en compte les évolutions sociales sans être dénaturée ?
Certains psychanalystes s'érigent en experts de la " vie psychique ", en détenteurs des normes sexuelles et sociales : ils considèrent l'homoparentalité, la PMA ou la transidentité comme des symptômes du règne de la toute-puissance de l'individu. Selon eux, Foucault, Butler, Bourcier, Preciado ne comprennent rien à leur discipline et, pire, la défigurent.
Pourtant, Freud puis Lacan ont eu à coeur de laisser la psychanalyse ouverte à la " réinvention " : elle est un champ et une pratique traversés par les sciences, la culture et les mouvements de chaque époque. Si elle souhaite se réinventer et renouer avec ses origines subversives, la psychanalyse pourrait aujourd'hui dialoguer avec les théories féministes, les études queers et les mouvements trans, et se laisser instruire par d'autres expériences érotiques et politiques. C'est en redevenant une théorie critique et inventive, à l'affût des nouveaux savoirs et pratiques, que la psychanalyse peut renouer avec l'émancipation.
Il y en a aujourd'hui qui haïssent le « Je », qui déclarent sa fin prochaine, ou même sa disparition accomplie. Il y en a qui préfèrent le « Nous », l'identité qui peut se partager ; d'autres encore qui préfèrent le « Il » scientifique, l'identité qui peut se compter. Comment alors continuer à être « Je » lorsque l'époque tend à faire disparaître la nécessité d'un rapport subjectivé à son existence ? Le narcissisme de masse se présente paradoxalement comme un effort pour continuer à exister en première personne dans le monde uniforme de la mondialisation. Mais ce narcissisme de masse n'est-t-il pas un autre piège ? Le déchaînement des passions sur les réseaux sociaux, la mise en scène de sa vie privée, le partage de son intimité, nous aident-ils vraiment à retrouver notre singularité perdue dans l'univers irrespirable de la quantification de soi et de la marchandisation des expériences ? Parier sur le « Je » offre une autre voie que le narcissisme. Parier sur le « Je », c'est accepter de miser sur la parole et le langage, c'est continuer de croire avec Freud et Lacan dans les messages de ses rêves et de ses cauchemars, c'est ne pas suturer la dimension de l'inconscient. Parier sur le « Je », c'est faire une traversée : la traversée des identités.